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doivent leur formation à des phénomènes géologiques où la chaleur a joué le rôle principal, on ne saurait invoquer le feu comme cause de l’apparition du cuivre. Le métal n’est pas venu en fusion du centre de la terre, puisqu’on le retrouve simplement uni à l’argent sans s’être allié à lui. La raison que généralement on invoque pour expliquer ce curieux dépôt métallique est celle-ci : on suppose que des courans électro-magnétiques parcouraient le sol quand les roches dont il est composé étaient en train de se précipiter, et que celles-ci baignaient dans une dissolution de sels de cuivre et d’argent, par exemple des chlorures. Le courant électrique terrestre a produit dans cette dissolution naturelle le même effet que les courans artificiels de nos laboratoires produisent dans les opérations galvano-plastiques : il a permis aux deux métaux de se désassocier de leurs combinaisons respectives et de se déposer purs, à l’état plus ou moins cristallin. Le procédé Ruolz pour la dorure et l’argenture est fondé sur le même principe, et l’usine électro-métallurgique d’Auteuil à Paris revêt de cuivre, bronze les statues, les fontaines, en opérant d’après un système analogue.

Cette explication de la formation du gisement de cuivre et d’argent natif du Lac-Supérieur doit être la vraie. Non-seulement on peut invoquer l’absence de tout alliage des deux métaux, lequel eût eu lieu certainement, si d’autres agens que l’électricité étaient intervenus, mais encore on peut arguer de l’état de pureté chimique des deux corps. Le cuivre du Lac-Supérieur est le plus fin que l’on connaisse, et se prête mieux qu’aucun autre à être étiré sans se rompre en fils aussi ténus que des cheveux. Pour arriver à cette ductilité, il faut que le cuivre soit chimiquement pur. Le moindre atome de phosphore, de soufre, de fer, le rendrait cassant. On peut ajouter que des spécimens de quartz et de spath d’Islande limpides, rencontrés dans les excavations, présentent à l’intérieur des filamens et des lamelles de cuivre cristallisé, ce qui autorise l’hypothèse de l’origine purement aqueuse de ces gîtes. Enfin, et c’est ici la raison la plus convaincante, des courans d’électricité parcourent toujours ce sol si riche. Cette électricité agit à la surface sur l’aiguille aimantée, au voisinage des filons, et la mine de Calumet n’a été découverte que par ce moyen. Le savant ingénieur M. Hulbert, qui est aussi un géologue de grand talent et l’un des premiers explorateurs du lac, chargé il y a quelques années de tracer une route au milieu d’une forêt de pins inextricable, où il ne pouvait se diriger qu’avec la boussole, s’aperçut tout à coup que l’aimant s’affolait. Il supposa immédiatement qu’un filon devait passer dans le voisinage, fit des recherches, trouva une pierre tachée de vert-de-gris et découvrit du même coup le riche filon de Calumet.