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encore à Marquette, pauvres et délaissés, n’ont jamais reçu un sou vaillant de la compagnie Jackson ? Celle-ci est cependant la plus prospère des nombreuses sociétés industrielles que l’exploitation du fer a attirées dans ces régions, lesquelles seraient peut-être encore désertes sans l’intervention du chef chippeway, tandis qu’elles ont produit en 1873 pour une valeur de 40 millions de francs de minerai.


IV. — LA PRESQU’ÎLE DE KEWEENAW.

Ce n’est pas seulement l’exploitation des mines de fer, c’est surtout celle des mines de cuivre qui a étendu jusqu’en Europe le renom du Lac-Supérieur. Pour visiter les gîtes cuivreux, nous nous rendons par eau de Marquette au Portage. Le steamer Manistee, baptisé d’un nom algonquin, et qui est parti huit jours auparavant de fiuffalo, nous prend un matin à l’aube. Il fait grand froid sur le lac, et les poêles dans le salon du bord sont allumés. Vers deux heures de l’après-midi, nous arrivons à Houghton après avoir salué l’entrée du Portage, qui hier encore s’ouvrait comme un vaste fiord au sud de la péninsule de Keweenaw ; il la traverse maintenant de part en part, car, non content d’avoir ouvert le Portage à la navigation à vapeur par des dragages profonds et continus, le gouvernement fédéral a prolongé cette ligne d’eau à travers la terre ferme par un canal à grande section. Cela évite de doubler la pointe de la presqu’île où soufflent quelquefois de redoutables ouragans, et cela économise aussi beaucoup de temps sur le parcours pour aller à Ontonagon, Bayfield ou Duluth.

Le voyage de Marquette à Houghton s’est fait sans encombre. Presque tout le temps, nous avons côtoyé le rivage formé de collines moutonnantes couvertes de bois. L’île de Granite, l’île Huronne, toutes deux munies d’un phare, jalonnent la route, puis la pointe de l’Abbaye et la baie de Keweenaw, au fond de laquelle est l’Anse. L’entrée étroite du Portage, marquée aussi par un phare, s’ouvre sur le côté occidental de cette baie. Les eaux, salies par des bancs d’argile qu’elles lavent sur leur parcours et par les détritus des mines de cuivre, sont rougeâtres et boueuses. Bientôt le fiord s’agrandit en un lac qui communique au nord avec celui de Torch, puis se resserre de nouveau comme une rivière. N’était la couleur des ondes et l’étroitesse des rives, on se dirait le long du Missouri. Cependant les flancs de la rivière se dressent peu à peu à de grandes hauteurs. Çà et là apparaissent des exploitations minières, puis une usine métallurgique dont les hautes cheminées projettent dans l’air une fumée épaisse, enfin tout à coup deux villes en face l’une de l’autre, comme Bude et Pesth sur le Danube : c’est Houghton et