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encore inexploitées, on a également reconnu le minerai, et il est certain que toute cette région est ferrifère. Il y aura là un jour de quoi satisfaire aux demandes de tous les hauts-fourneaux des États-Unis, qui trouvent déjà dans quelques gisemens de la Pensylvanie, du Missouri, des sources d’alimentation inépuisables.

Partout où s’exploite une mine, il naît un centre de population. La mise en valeur des richesses souterraines de Marquette a donné naissance à de petites villes, N’gaunee, Ishpeming et quelques autres, où l’on trouve comme dans toute cité américaine, si jeune et si petite soit-elle, un hôtel bien tenu, une école, une banque, une église, une imprimerie, un journal. Celles-ci sont situées sur le chemin de fer de Marquette à l’Anse, et en forment les principales stations. Des fenêtres du wagon, on les salue en même temps que les exploitations voisines, véritables carrières qui s’ouvrent béantes à la surface, et entassent au-dessus du sol des montagnes de déblais tout rouillés. L’installation des fosses d’extraction, des chemins de fer de service, des charpentes où passent les câbles servant aux manœuvres, tout cela donne à ces exploitations un cachet particulier. Les trois ports d’embarquement du minerai, Marquette, l’Anse, Escanaba, doivent à l’abondante production de ces mines la première cause de leur prospérité. Le minerai, de qualité supérieure, rend jusqu’à 70 pour 100 de fer. La majeure partie est exportée ; on l’envoie principalement à Cleveland, sur le lac Erié, et dans les nombreuses usines de l’Ohio, où il n’est pas rare de rencontrer des wagons chargés de ces pierres métalliques, alignés en longues files dans les gares des chemins de fer.

Les quais d’embarquement sont intéressans à visiter. Le railroad y arrive directement des mines mêmes, et les wagons, qui peuvent basculer par le côté, sont vidés dans d’énormes trappes ouvertes par le haut et se terminant intérieurement par un plan incliné. Une porte latérale, ménagée sur le côté extérieur, s’ouvre au moyen d’un treuil ; elle permet au minerai de descendre de lui-même dans la cale du navire, ancré de flanc le long de la file interminable des pilotis du quai. Chaque trappe ou caisson contient 70 tonnes. Les hommes du bord, armés de longues barres de fer, facilitent la descente du minerai, qui tombe dans le navire avec fracas. C’est un bruit assourdissant comme celui du tonnerre, un roulement formidable et continu qui s’entend d’une lieue, et qui, la nuit surtout, est très caractéristique ; on dirait toutes les vagues du lac se ruant sur un rivage de galets. En une couple d’heures, un bateau à vapeur ou un voilier du port de plusieurs centaines de tonneaux est ainsi chargé et repart sans perdre de temps.

Assistant à cette manœuvre si rapide et si ingénieuse, je ne pouvais m’empêcher de réfléchir qu’à l’île d’Elbe, sur la plage