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probable que Milwaukee s’abuse, car Chicago en 1873 a été visitée par 12,000 navires jaugeant 3 millions 1/2 de tonneaux. C’est le double du mouvement de Marseille, et néanmoins pendant près de six mois la navigation des lacs est presque absolument fermée par les glaces, comme celle de la Baltique.

Retournons dans le lac Huron. Du saut Sainte-Marie à Détroit, à l’entrée du lac Erié, om compte 300 milles, A Port-Huron, commence la rivière Saint-Clair, qui mène dans le petit lac de ce nom. Celui-ci, par la rivière de Détroit, se déverse dans le lac Erié. Port-Huron, mieux que Mackinaw, pourrait être appelé le Gibraltar des lacs. Tous les navires qui se rendent dans les lacs Huron, Michigan ou Supérieur passent la En 1873, on en a compté 37,000 jaugeant 10 millions de tonneaux, dont plus de 15,000 steamers : le tiers de tous ces navires allait à Chicago. Jamais Gibraltar, cette clé de la Méditerranée, n’enregistra de tels chiffres, et l’isthme de Suez lui-même ne les atteindra pas de longtemps.

Sur les espaces rétrécis et peu profonds qui relient le lac Saint-Clair aux lacs Huron, et Erié, la navigation ne s’est pas toujours faite aisément. Le gouvernement fédéral à plusieurs reprises a dû procéder aux dragages des deux rivières de Saint-Clair et de Détroit. Jadis ces points étaient défendus, comme Mackktaw, comme Sainte-Marie, par des forts dont il reste quelques ruines. La ville de Détroit, aujourd’hui centre industriel et agricole de premier ordre, ne fut elle-même d’abord qu’une forteresse bâtie en 1700, sur l’ordre du gouverneur de la Nouvelle-France, par un cadet de Gascogne, le sieur de La Motte Cadillac, natif de Castelsarrasin. La Société historique du Michigan, qui siège à Détroit, capitale de l’État, a fait récemment rechercher en France les descendans de ce brave pionnier. Elle voulait enrichir de son portrait la salle de ses séances, mais on a découvert que cette famille était éteinte. Les villes américaines ont le culte de leurs origines, et les sociétés historiques qu’elles ont fondées recueillent pieusement toutes les traces du passé de ces jeunes cités.

Les principales villes du lac Erié sont assises sur le bord américain, sur des terrasses naturelles. Ce sont Toledo, Cleveland, Erié, Buffalo. Toutes font un grand commerce de bétail, de grains. Cleveland et Buffalo occupent en outre un des premiers rangs parmi les cités industrielles de l’Union. L’une et l’autre montrent avec orgueil leurs prises d’eau pour l’alimentation locale, la première sur le lac Erié, la seconde sur la rivière Niagara. Les énormes pompes qui extraient l’eau pour la lancer dans des tours ou dans des réservoirs d’épuration, d’où elle se répand ensuite partout où besoin est, méritent une visite. Les pistons de ces machines géantes ne battent que quelques coups par minute, doucement,