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accourus pour y faire fortune en sont partis ruinés, et les seuls qui en ont tiré quelque aubaine sont des spéculateurs de terrains, qui ont vendu à prix d’or à de naïfs arrivans les lots et les sections qu’ils avaient acquis pour rien.

Le sort de Duluth a été récemment le même, Cette ville est située un peu au-delà de la Cilié du Supérieur, tout à fait à l’extrémité occidentale du lac. Quand on y a marqué le point de départ du chemin de fer du Nord-Pacifique, et qu’on a jeté la les premiers rails de cette immense ligne qui devait joindre Duluth à Portland, le Minnesota à l’Orégon, il a semblé, même aux gens sensés de New-York, qu’il y avait dans Duluth un embryon de ville qui allait étonner le monde. On a édifié dans la cité nouvelle de vastes élévateurs ou greniers automatiques pour recevoir, manipuler et distribuer tout le grain produit par cette partie des états de l’extrême nord-ouest. Les terrains à bâtir ont acquis des valeurs énormes, chacun a voulu posséder un lot à Duluth. Les actions du Nord-Pacifique ont tout à coup monté à des taux inespérés. Un beau jour, tout cela s’en est allé en fumée. Les banquiers qui étaient à la tête de cette affaire ont fait dans Wall-street, à New-York (septembre 1873), une faillite formidable qui en a entraîné bien d’autres et occasionné une crise financière jusque-là sans exemple.

Reprenons notre course sur les lacs. En quittant Duluth et marchant à l’est, nous saluons les îles des Apôtres, où se trouve la mission de la Pointe, fondée en 1666 par les pères jésuites de la Nouvelle-France, puis la baie de Chaquamegon, celle d’Outonagon, où sont des mines de cuivre et d’argent natif justement réputées, et la presqu’île de Keweenaw, non moins riche en mines de cuivre. Là est le fameux portage qu’on a fait récemment communiquer avec le lac ; l’isthme a été coupé, et la presqu’île de Keweenaw est désormais entourée d’eau de tous côtés. Ce canal, dont la nature a fait presque tous les frais, évite aux navires de doubler une pointe très avancée. Au-delà est l’Ile-Royale, qui regarde Keweenaw, et tout le côté canadien avec ses mines d’argent et de cuivre, dont une, celle de Silver-Islet, est exploitée sous les eaux.

Le steamer suit le rivage américain. Voici l’Anse hantée par les Chippeways vagabonds et maraudeurs, dont les femmes vont dans la forêt récolter les airelles qu’elles vendent aux blancs par paniers. L’Anse avec ses deux missions cachées au milieu des arbres, l’une catholique, l’autre protestante, qui se regardent d’une rive à l’autre, l’Anse avec son port animé, avec ses rues naissantes, où s’alignent déjà les magasins et les hôtels, apparaît comme une oasis sur ces rivages un peu déserts. Ce fut longtemps avec Sainte-Marie une des résidences favorites du père Baraga, un prince autrichien, retiré du monde, que le pape avait nommé vicaire apostolique de ces