Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/508

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les ordres de Murray, se dirigèrent sur Ruthven, les autres sur Inverness, où, sommés par Cumberland, ils déposèrent leurs armes. Un cinquième de l’armée avait péri. Tout ce qui n’était pas étranger fut traité avec une cruauté féroce. On rechercha les blessés pour les achever, on en brûla dans les cabanes et dans les granges où ils s’étaient réfugiés. Une récompense de 30,000 livres sterling fut promise à celui qui livrerait le prince Charles. Murray réussit à gagner Ruthven, où il reçut un message du prince, le remerciant de son zèle, lui recommandant de songer à sa propre sécurité, à celle de sa troupe, et promettant de revenir avec des troupes françaises ! Lord George licencia donc ses soldats et réussit lui-même à gagner la Hollande, où il vécut jusqu’en 1760 sous le nom de Valigni. Le duc de Perth et Sheridan s’embarquèrent pour la France ; Perth expira pendant la traversée. La fatigue, la douleur morale, abrégèrent sa vie. Sheridan alla à Rome rendre compte de sa désastreuse expédition au père de son élève. Les reproches qui l’assaillirent l’affectèrent si vivement qu’il tomba malade et mourut.

Quelques fidèles accompagnaient le prince les premiers jours de sa fuite. Sa première étape fut le château de lord Lovat, partisan douteux qui ne dissimula pas sa terreur et qu’il fallut bientôt quitter. Charles-Edouard atteignit alors le château d’Invergarry, où il put se reposer quelques heures. Ce fut là qu’il se sépara de ses amis et qu’il dépêcha à lord Murray son dernier message. Pendant cinq mois, d’avril à septembre, chaque jour eut pour lui son danger, sa misère et son alarme. Plusieurs centaines de personnes, hommes et femmes, furent dans le secret de sa fuite, personne ne le trahit. Quant à lui, on l’entendit toujours déclarer « que ses misères et ses dangers ne signifiaient rien, mais que son cœur se brisait en songeant aux braves gens qui souffraient pour lui. » Il avait réussi à gagner les îles qui entourent l’Ecosse. Chaque hameau, chaque cabane était fouillée par les Anglais. Le général Campbell, chargé de la poursuite, alla jusqu’à l’île de Saint-Kilda, qu’on peut bien appeler l’extrémité du monde habitable. Là, les habitans n’avaient qu’une notion vague des luttes qui désolaient le pays. Ils croyaient à un différend de leur chef Mac-Leod. avec une princesse du continent, écho vague des luttes que soutenait à cette époque Marie-Thérèse d’Autriche. Chaque île était successivement entourée d’une flottille qui devait empêcher toute évasion. Échapper à de telles poursuites semblait impossible ; le courage et la résolution d’une femme accomplirent ce miracle.

Flora Mac-Donald, jeune et belle fille de vingt ans, avait été hostile au prétendant jusqu’au jour où elle le sut proscrit. Alors la générosité innée des races celtiques se réveilla, et fit d’elle une