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la France et Rome sont représentées avec affectation comme solidaires, comme la double personnification de la politique ultramontaine et cléricale. On donne des armes aux Allemands, voilà tout.

Ce serait aux partis sincères, aux partis qui mettent le patriotisme au-dessus de tout, de faire en quelque sorte la police autour d’eux, de réprimer ces excentricités ; mais, il faut aussi en convenir, tout cela n’arriverait pas, s’il y avait un gouvernement s’inspirant résolument de la situation, parlant à l’opinion, au pays comme à l’assemblée, donnant l’impulsion et la direction, au lieu de se laisser aller à des gaucheries que nous ne voulons pas relever, ou à des confusions et des contradictions qui montrent qu’il n’est pas toujours lui-même à l’abri des perplexités et des incertitudes de conduite. Le ministère est certes composé d’hommes sérieux dont la présence aux affaires est une garantie ; il doit rester au pouvoir, d’autant plus qu’il serait difficilement remplacé. Il serait bon seulement qu’il se perdît un peu moins dans les minuties administratives, qu’il coordonnât les affaires selon leur importance, qu’il devînt en un mot un vrai gouvernement, réglant pour ainsi dire la marche du pays. C’est M. Littré qui rappelait récemment ce mot de Richelieu : « les Français ne sont pas indisciplinables ; pour leur faire garder une règle, il ne faut que le vouloir fortement ; mais le mal est que jusqu’ici les chefs n’ont pas été capables de la fermeté requise en telle occasion. » Ces paroles, chacun des membres du gouvernement devrait les avoir sur son bureau et les relire tous les matins. Un gouvernement, voilà ce dont nous avons besoin ; il est indispensable dans des circonstances où tout devrait concorder, où il faudrait faire servir tous les ressorts de notre politique intérieure à la sûreté et à l’affermissement de notre situation extérieure. Il serait aussi bien nécessaire à ce moment où l’assemblée vient de se retrouver à Versailles, et va se mettre à compléter l’organisation constitutionnelle sous l’impression croissante, partout visible, d’une dissolution prochaine dont il ne restera plus bientôt qu’à fixer la date irrévocable.

Depuis que la France fait des révolutions et des expériences, elle a véritablement tout épuisé. Elle a multiplié les lois sur toutes ces questions de la presse, du système électoral, de l’organisation intérieure, qui s’agitent encore aujourd’hui. On dirait qu’après chaque crise publique elle est réduite à recommencer, à refaire ce qu’elle a déjà essayé sous toutes les formes. Elle plie sous l’héritage de dix régimes différens, entre lesquels il y en a qui n’ont profité ni à sa liberté ni à sa gloire, et il y en a aussi qu’elle regrette, qu’elle envie peut-être. Assurément si, tout compensé, il y a une époque favorable dans l’histoire politique de la France, c’est cette période qui va du lendemain du premier empire à la catastrophe de février 1848. Trente-quatre années qui ne sont sans doute exemptes ni d’agitations ni de réactions, qui sont souvent