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est certes de nature à satisfaire l’orgueil d’un grand peuple. Cela peut leur suffire, il nous semble ; ils n’ont aucun droit de surveillance sur ceux qui ne leur donnent aucun grief, qui n’ont d’autre tort aux yeux des malveillans que de garder une foi inviolable en leur pays, de travailler dans leur liberté et leur indépendance à la réparation de leurs propres désastres.

La France, elle aussi, cela est bien certain, peut prendre sa part des avertissemens des dernières crises. Toute cette agitation, si exagérée qu’elle ait pu être, lui rappelle la nécessité de mesurer sans cesse ses actes, son langage, toute sa conduite politique. Qu’on nous comprenne bien : la France n’a point à se faire un rôle qui serait peu digne d’elle, elle n’a ni à prodiguer les démonstrations, ni à s’effacer, ni à se cacher pour accomplir ce que le sentiment de ses intérêts lui inspire ; elle n’a point certes à pousser la modération jusqu’à des sacrifices d’indépendance ou de dignité. On ne le lui demande pas, que nous sachions, et elle ne s’y résignerait pas aussi facilement qu’on le croit ; mais elle a, elle aussi, à se faire ce que nous appellerons la politique de sa situation, et c’est ici que les derniers incidens sont pleins de lumières pour l’opinion comme pour le gouvernement. Il faut bien se dire avec la franchise d’hommes dévoués à leur pays qu’aujourd’hui, dans les conditions qui nous ont été faites, il n’y a plus de place pour les déclamations vaines, pour les fantaisies individuelles, pour les inspirations de parti. Il faut oser s’avouer que tout ce qu’on fait se lie à un ensemble de choses dont on n’est pas maître, que discussions inopportunes, actes, manifestations, excentricités, peuvent avoir leurs conséquences. Les partis extrêmes sont toujours naturellement ceux qui se montrent les plus disposés à l’oublier ; ils ne voient qu’eux-mêmes et ne s’inspirent que de leurs passions et de leurs fantaisies. Il est bien clair qu’avec un sentiment plus sérieux des choses le conseil municipal de Paris aurait évité cette sotte affaire de la présidence, qui n’a point à coup sûr la gravité qu’on lui a donnée, mais qui pouvait être mal interprétée et surtout exploitée par les ennemis de la France. Il est bien sûr qu’avec plus de respect pour les intérêts et la situation de notre pays des hommes qui se croient des conservateurs, qui font des pèlerinages de dévotion à Rome, n’iraient point offrir au pape les secours de la France, dont ils ne disposent point heureusement, et n’obligeraient pas le saint-père à leur donner des conseils de prudence. Oui, il est bien évident que ceux qui agissent ou qui parlent ainsi ne consultent ni les circonstances ni les intérêts de leur pays, et qu’ils se permettent des excentricités qui ne sont que des manifestations sans valeur, mais dont peuvent abuser ceux qui connaissent peu la France ou ceux qui ne lui prodiguent pas leurs sympathies. On le voit par le dernier exposé des motifs des lois religieuses récemment proposées au parlement de Berlin :