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en a fait l’épreuve au Mexique, lorsqu’un jour il fut obligé d’emmener sur des cacolets un certain nombre de chasseurs atteints de fièvre typhoïde ; on s’attendait à les voir succomber avant la fin du jour, et, à la grande surprise du médecin en chef, M. le docteur Houneau, ils furent tous guéris. Le traitement des malades à l’air, libre a toujours donné les plus heureux effets en temps d’épidémie, et M. Pauly a même réussi à guérir des attaques de choléra en forçant les malades à marcher longtemps au grand air. Quand l’énergie, ou le courage manquait au malade, deux camarades le prenaient chacun, par un bras et le promenaient malgré lui. Tel qui vacillait et laissait tomber sa tête au début retrouvait peu à peu une allure plus animée, voyait ses crampes et ses vertiges le quitter et les couleurs renaître sur ses joues pâlies. Dans ce cas, la fraîcheur de l’air chargé, de rosée ou de pluie était même une condition d’un succès très prompt. « La faiblesse des malades est d’ailleurs, dit M. Pauly, bien souvent un obstacle qu’on peut vaincre avec une patience suffisante. »

De tels faits prouvent, sur une petite échelle, l’influence bienfaisante et le rôle capital des larges courans d’air pur. Malheureusement nous ne pouvons pas doter une contrée des vents qui lui font défaut. Il faudra éviter les coins du globe où l’air croupit, immobile et malsain. Cependant là encore le pouvoir de l’homme, peut s’exercer dans certaines limites ; il n’est presque pas de climat qu’il ne puisse modifier soit en mal, soit en bien. Le travail, le travail agricole surtout, et dans les villes, l’emploi des nombreux moyens d’assainissement (égouts, squares, etc.), voilà ce qu’il faut pour combattre les influences délétères qui tendent à rendre le climat malsain ; mais la sagesse politique, la paix, des capitaux, sont nécessaires pour les mettre en œuvre. L’anarchie, la guerre et les haines sociales entraînent le trouble du travail et deviennent ainsi des causes de déchéance pour la salubrité d’un pays. L’Amérique du Sud fournit bien des preuves à l’appui de ces vérités. Pendant longtemps la guerre civile a été permanente dans la Plata ; aussi a-t-on négligé complètement tout ce qui touche à l’hygiène publique. De grandes villes comme Montevideo et Buenos-Ayres, où l’on a la prétention de vivre à l’européenne, ont été bâties sans aucun souci des organes nécessaires à la vie des grandes cités, sans égouts et sans aqueducs ; on y boit l’eau des citernes, qui reçoivent les infiltrations du sol. Les tanneries et les saladeros, où l’on égorge les bœufs par milliers, se sont installées aux portes des villes, infectant le sol par le sang des animaux abattus et par la putréfaction des dépouilles. Aussi depuis 1850 le choléra et la fièvre jaune ont fait leur apparition dans le bassin de la Plata, et des épidémies graves ont décimé la population des villes. Ce n’est que depuis peu d’années que Buenos-Ayres et Montevideo ont commencé à prendre les mesures de salubrité dont l’urgence venait d’être