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et Ve siècles, et surtout à la suite de la conquête musulmane aux VIIe et VIIIe siècles. » L’islamisme a donc été un fléau pour ces belles contrées même au point de vue de l’état sanitaire[1].

On arrive ainsi à reconnaître que les climats se classent, comme les habitations, en salubres et insalubres, suivant l’apport plus ou moins large d’un air pur, riche en oxygène, par les courans généraux de l’atmosphère, facilités ou gênés par la configuration du sol. Le régime des vents, la hauteur et la direction des montagnes paraissent jouer ici un rôle capital. Cette conclusion est confirmée par l’étude spéciale des grandes endémies des pays chauds : fièvres intermittentes et rémittentes ou fièvres de malaria, choléra, fièvre jaune.

Ces maladies endémiques semblent affecter une distribution géographique qui rappelle vaguement celle des familles végétales. Sur tel point, on les voit fréquentes et graves : ainsi se présentent sur la côte du Brésil les grands arbres de la forêt tropicale. Ailleurs les endémies sont rares et bien moins sérieuses, tout comme on voit s’éclaircir la végétation dans les campos de l’intérieur, où les arbres sont remplacés par de gracieux arbustes. Enfin dans quelques lieux privilégiés des pays chauds ces maladies disparaissent tout à fait pour de longues périodes d’années. Quoique entouré d’une végétation luxuriante et éloigné de quelques kilomètres seulement des foyers de malaria, le voyageur parvenu dans une de ces oasis est à l’abri comme dans le port le plus sûr. En somme, les endémies ne s’étendent point comme un manteau sur de vastes régions ? elles sont réparties par bandes étroites, laissant entre elles des surfaces indemnes qui sont parfois très considérables ; même dans les pays les plus malsains, il existe des espèces d’îles de refuge où l’immunité peut être absolue.

Ces contrastes d’ailleurs se lisent à première vue sur la physionomie des habitans. tendant ses pérégrinations en Algérie, le docteur Pauly a été souvent frappé de voir se succéder à de très courta intervalles les signes d’influences locales tout opposées : ici des faces amaigries, d’une pâleur terreuse, là des apparences de santé et de force, sans que rien dans la nature du sol vînt expliquer ces différences profondes entre des lieux très voisins. Ainsi la plaine de Mina est infestée par les fièvres, tandis que le poste de Zemmorah, situé, il est vrai, à un niveau supérieur, en est exempt ; mais d’autres postes beaucoup plus élevés, comme celui de Sebdou, sont des nids de fièvres. De ces inégalités bizarres se ressentent nécessairement les troupes campées sur divers points de l’Algérie. « Je me rappellerai toujours, dit M. Pauly, le triste aspect des

  1. On a cru longtemps que les fièvres décrites dans les Épidémies d’Hippocrate étaient des fièvres typhoïdes ; nos médecins militaires, en découvrant sur les côtes de la Grèce et de l’Algérie les fièvres rémittentes des contrées chaudes, ne se doutaient pas d’abord qu’ils avaient affaire à la maladie si bien étudiée par l’école de Cos.