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C’est surtout à nos médecins militaires, familiarisés par de nombreuses expéditions avec les climats les plus divers, et obligés de contrôler les états sanitaires sur de grandes masses d’hommes, que nous devons d’intéressantes recherches sur la valeur hygiénique des climats du globe, et de ces recherches il se dégage déjà un certain nombre de principes, de vues générales, qui pourront servir de base à la science qui s’appellera la climatologie comparée. Il faut citer en première ligne à cet égard l’important ouvrage que M. le docteur Pauly, médecin en chef de l’hôpital militaire d’Oran, vient de publier sous ce titre : Climats et endémies. M. Pauly n’a étudié que les climats des contrées chaudes, mais il en a fait une étude approfondie. Partout il a constaté des différences manifestes de salubrité entre des lieux de la même zone très voisins l’un de l’autre, aussi bien pour des points isolés que pour de larges surfaces. En cherchant la raison de ces contrastes, il a découvert une liaison des plus intimes entre la salubrité d’un pays et les conditions naturelles qui en assurent la ventilation. Son travail roule tout entier sur l’importance extrême de la configuration du relief du sol, en tant que cette configuration favorise ou bien entrave la libre circulation des vents.

En effet, les grandes plaines et les plateaux étendus sont généralement très salubres ; beaucoup d’îles montagneuses des zones tropicales le sont aussi quand les montagnes y forment un massif central plus ou moins arrondi en cône. Au contraire, les plaines littorales étroites où se dressent les crêtes d’une chaîne côtière, — comme le rivage brésilien de Rio à Bahia, ou les côtes atlantiques de l’Amérique centrale, — sont des contrées infestées par la malaria. La même remarque s’applique à certaines îles barrées dans leur longueur par une muraille de montagnes élevées, comme Madagascar, Java, Sumatra, quand ces montagnes, au lieu d’être parallèles aux vents généraux (alizés ou moussons), se trouvent placées en travers de ces courans. C’est ainsi que s’explique aussi l’insalubrité d’une foule de points des riches contrées qui forment le littoral de la Méditerranée. Les côtes de cette mer sont hérissées de chaînes de montagnes, et les contre-forts qui s’en détachent y créent une série de bassins encaissés où un petit fleuve arrose des plaines toujours fertiles. « Dans chacun de ces petits bassins, dit M. Pauly, ont germé, comme sur un sol fécond, des sociétés politiques autonomes, des républiques jalouses de leur indépendance ? c’est là que furent ces villes de Sparte, Smyrne, Tarse, dont la prospérité et la richesse ont été si grandes ; dans tous ces bassins cependant la malaria a été un obstacle permanent, un ennemi dompté quelquefois, mais toujours vivant, et prêt à recommencer les hostilités… Cette endémie, réduite presqu’à rien par la savante agriculture des anciens, a reparu de toutes parts sur les rives de la Méditerranée à la suite de l’invasion des barbares aux IVe