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UN
ROMANCIER ESPAGNOL

PEDRO ANTONIO DE ALARCON.

Poesias sterias y humoristicas, Madrid 1870. — Cosas que fueron, 1871. — Novelas. — El Sombrero de tres picot, la Alpujarra, 1874.


I

Si l’Espagne aujourd’hui ne peut citer un romancier de premier ordre, si Fernan Caballero vieilli s’est retiré, laissant au plus digne la place qu’il avait si longtemps occupée et que nul après lui n’est venu remplir, il est cependant plusieurs écrivains qui jouissent là-bas d’une réelle réputation et qui partout ailleurs feraient encore quelque figure. Tel est Pedro Antonio de Alarcon[1], le plus original de tous, sinon le plus châtié. Conteur facile et agréable, où il excelle, c’est dans la nouvelle, le récit familier ; en dépit de ses négligences, il plaît, il intéresse ; il a ce charme singulier qui rend les défauts moins sensibles et les qualités plus aimables. C’est un talent très personnel, primesautier, fantasque et sérieux à la fois, tout fait d’oppositions et de contrastes, curieux mélange de

  1. Ce nom était déjà connu dans la littérature espagnole. Né au Mexique, mais venu tout jeune en Espagne, Juan Ruiz de Alarcon y Mendoza compte parmi les auteurs dramatiques les plus distingués du XVIIe siècle. Malheureusement pour lui, cet Alarcon était bossu, et ses rivaux ne se faisaient faute de le railler cruellement de son infirmité. Un journal du temps mentionne en ces termes sa mort, survenue le 4 août 1639 : est décédé don Juan de Alarcon, poète fameux par ses comédies et par ses bosses. Bien que le style en ait vieilli, on admire toujours dans ses vers l’élévation des pensées et la délicatesse des sentimens. On ne le joue plus, mais on le lit encore.