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les pythagoriciens qui, pour n’avoir plus compris la prescription du maître, ont répandu une erreur sur l’examen de conscience, ou si ce sont des philosophes étrangers à la doctrine qui n’ont pas démêlé la pratique pythagoricienne. Notre dessein est de montrer seulement que, pour une cause ou une autre, l’erreur a été assez générale et fort durable dans l’antiquité. Nous en trouvons encore la preuve dans les compilations étendues sur la vie et la philosophie de Pythagore que nous ont laissées Porphyre et Jamblique comme ces deux platoniciens ne font que résumer des ouvrages antérieurs, on peut en inférer avec vraisemblance qu’ils se sont mépris après plusieurs autres historiens de la philosophie. Nous savons en effet par eux-mêmes qu’ils s’appuient sur des autorités éminentes, entre autres sur les livres de deux péripatéticiens illustres, dont les ouvrages sont perdus, dont l’un ; Aristoxène, avait mérité cet honneur qu’Aristote en mourant hésitât s’il lui laisserait la conduite du Lycée ou s’il la donnerait à Théophraste, et dont l’autre, Dicéarque, a été fort vanté par Cicéron. Si donc Porphyre et Jamblique se sont trompés au IIIe et au IVe siècle, eux qui n’ont fait que résumer des écrits anciens, il faut supposer qu’un ou plusieurs de leurs devanciers s’étaient trompés avant eux, et l’erreur dès lors prend plus d’importance non-seulement parce qu’elle est partagée par un plus grand nombre, mais encore parce qu’elle est probablement imputable à de grands philosophes élevés à la sévère école d’Aristote.

Porphyre, ayant à parler de la prescription pythagoricienne, paraît ne pas savoir au juste de quoi il s’agit ; il la reproduit en l’expliquant avec une vague sécheresse. Voici sa phrase : « il recommandait surtout deux momens de la journée, l’heure où on se couche, l’heure où on se lève. D’une part, il faut examiner ce qu’on a fait, de l’autre ce qu’on fera ; chacun doit se rendre compte des actions faites et bien réfléchir à celles qu’il va faire, et pour cela se réciter à soi-même ces vers[1]. » Là-dessus Porphyre cite le texte des Vers d’or, mais il passe précisément le vers sur la joie de la conscience et sur le repentir. Cette omission assez étrange, puisqu’il oublie le vers le plus important, semble prouver qu’il n’a point saisi le vrai sens de la prescription, et qu’il n’y voyait qu’un acte de prudence et non un exercice moral. Il est permis de penser que Porphyre, malgré son apparente précision, n’a point pénétré plus avant que Cicéron et Diodore.

Si on peut à la rigueur discuter sur le passage de Porphyre, dont la concision peu nette se prête à des jugemens divers, il n’en est pas ainsi du texte de Jamblique, qui est explicite, et qui, pour être plus clair, va jusqu’à être prolixe. Il semble même que Jamblique,

  1. Vie de Pythagore, p. 40, édit. Didot.