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des conventions pour abréger le discours ; mais il reconnaît des mots primitifs que l’on comprend sans qu’il soit besoin de les définir.

Or le mot vie est dans ce cas. Tout le monde s’entend quand on parle de la vie et de la mort. Il serait d’ailleurs impossible de séparer ces deux termes ou ces deux idées corrélatives, car ce qui vit, c’est ce qui mourra, ce qui est mort, c’est ce qui a vécu. Quand il s’agit d’un phénomène de la vie comme de tout phénomène de la nature, la première condition est de le connaître ; la définition ne peut être donnée qu’a posteriori, comme conclusion résumée d’une étude préalable ; mais ce n’est plus là, à proprement parler, une définition ; c’est une vue, une conception. Il s’agira donc pour nous de savoir quelle conception nous devons nous former des phénomènes de la vie aujourd’hui dans l’état actuel de nos connaissances physiologiques.

Cette conception a varié nécessairement avec les époques et suivant les progrès de la science. Au commencement de ce siècle, un physiologiste français, Le Gallois, publiait encore un volume d’expériences : sur le Principe de la vie et sur le siége de ce principe. On ne cherche plus maintenant le siége de la vie ; on sait qu’elle réside partout dans toutes les molécules de la matière organisée. Les propriétés vitales ne sont en réalité que dans les cellules vivantes, tout le reste n’est qu’arrangement et mécanisme. Les manifestations si variées de la vie sont des expressions mille et mille fois combinées et diversifiées de propriétés organiques élémentaires fixes et invariables. Il importe donc moins de connaître l’immense variété des manifestations vitales que la nature semble ne pouvoir jamais épuiser que de déterminer rigoureusement les propriétés de tissus qui leur donnent naissance. C’est pourquoi aujourd’hui tous les efforts de la science sont dirigés vers l’étude histologique de ces infiniment petits qui recèlent le véritable secret de la vie.

Aussi loin que nous descendions aujourd’hui dans l’intimité des phénomènes propres aux êtres vivans, la question qui se présente à nous est toujours la même. C’est la question qui a été posée dès l’antiquité au début même de la science : la vie est-elle due à une puissance, à une force particulière, ou n’est-elle qu’une modalité des forces générales de la nature ? en d’autres termes, existe-t-il dans les êtres vivans une force spéciale qui soit distincte des forces physiques, chimiques ou mécaniques ? Les vitalistes se sont toujours retranchés dans l’impossibilité d’expliquer physiquement ou mécaniquement tous les phénomènes de la vie ; leurs adversaires ont toujours répondu en réduisant un plus grand nombre de manifestations vitales à des explications physico-chimiques bien démontrées. Il faut avouer que ces derniers ont constamment gagné du