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DÉFINITION DE LA VIE



I.

Dès la plus haute antiquité, des philosophes ou des médecins célèbres ont regardé les phénomènes qui se déroulent dans les êtres vivans comme émanés d’un principe supérieur et immatériel agissant sur la matière inerte et obéissante. Telle est la pensée de Pythagore, de Platon, d’Aristote, d’Hippocrate, acceptée plus tard par les philosophes et les savans mystiques du moyen âge, Paracelse, Van-Helmont et par les scolastiques. Cette conception atteignit dans le cours du xviiie siècle son apogée de faveur et d’influence avec le célèbre médecin Stahl, qui lui donna une forme plus nette en créant l’animisme. L’animisme a été l’expression outrée de la spiritualité de la vie ; Stahl fut le partisan déterminé et le plus dogmatique de ces idées perpétuées depuis Aristote. On peut ajouter qu’il en fut le dernier représentant ; l’esprit moderne n’a pas accueilli une doctrine dont la contradiction avec la science était devenue trop manifeste.

D’un autre côté, et par opposition aux idées qui précèdent, nous voyons, avant même que la physique et la chimie fussent constituées, et que l’on connût les phénomènes de la matière brute, les tendances philosophiques, en avance sur les faits, essayer d’établir l’identité entre les phénomènes des corps inorganiques et ceux des corps vivans. Cette conception est le fond de l’atomisme de Démocrite et d’Épicure. Les atomistes ne reconnaissent pas d’intelligence motrice, le monde se meut par lui-même éternellement. Ils ne considèrent qu’une seule espèce de matière, dont les élémens, grâce à leurs figures, jouissent de la propriété de former, en s’attachant les uns aux autres, les combinaisons les plus diverses, et de constituer les corps inorganiques et sans vie, aussi bien que les êtres organisés qui vivent et sentent comme les animaux, qui sont raisonnables et libres comme l’homme.