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devancer sur ce point Mac-Clellan, qui était obligé de faire un grand détour pour gagner les gués de l’Antietam. Puis, n’ayant à droite que deux ponts, à gauche qu’un isthme étroit à défendre, il était toujours libre, en cas de revers, de repasser le Potomac au gué de Sheppardstown.

Le 16 au matin, toute l’armée fédérale était rassemblée sur les bords de l’Antietam, à l’exception des deux divisions du 6e corps et de celles de Couch et de Morell. Depuis le 15 au matin en effet Franklin, avec les trois premières, s’était laissé tromper par Mac-Laws. Lorsque la canonnade, cessant à Harpers-Ferry, lui avait révélé la reddition de la place, il avait remonté fort lentement Pleasant-Valley et s’était arrêté à Brownsville. Mac-Laws, malgré son infériorité numérique, l’avait suivi pas à pas, et Franklin, se croyant toujours en présence de forces supérieures aux siennes, passa toute la journée du 16 à observer l’ennemi dans une funeste immobilité. Quant à la division Morell, elle avait quitté le 16 au matin Boonesboro, sous la direction immédiate de Porter, pour marcher vers l’Antietam. Durant cette même matinée, Jackson arrivait à Sharpsburg par Sheppardstown avec les deux divisions Starke et Lawton ou plutôt les restes de ces deux divisions : elles ne comptaient pas ensemble plus de 4,000 hommes. L’avantage de la concentration était donc toujours en faveur de Mac-Clellan, car les divisions Mac-Laws, Anderson et A. P. Hill, c’est-à-dire plus du tiers de l’armée de Lee, étaient encore sur la rive droite du Potomac ; l’occasion de faire une attaque brusque et décisive, perdue la veille, s’offrait de nouveau au général fédéral, et les élémens eux-mêmes semblaient conspirer en sa faveur. La journée brûlante du 15 avait été suivie d’une de ces nuits claires et fraîches qui, dans ce climat toujours extrême, annoncent les approches de l’automne, et le 16, dès le point du jour, un brouillard épais, s’élevant des prairies humides qui bordent le Potomac et l’Antietam, vint envelopper les deux armées d’un voile impénétrable. Cette brume aurait pu cacher les mouvemens de Mac-Clellan, s’il avait été prêt, et lui permettre de masser toutes ses forces sur le point de la ligne ennemie qu’il lui conviendrait d’attaquer : elle ne fut que la cause de nouveaux retards pour l’armée fédérale. Celle-ci en effet n’avait pris ses positions de combat qu’après l’arrivée fort tardive des convois de munitions, et, une fois prête à marcher, elle fut obligée d’attendre que le soleil, dissipant la brume, vînt éclairer les passages de l’Antietam, qu’elle n’avait pu reconnaître la veille. Un temps précieux fut ainsi perdu, et la journée s’était déjà à moitié écoulée avant que Mac-Clellan eût pu arrêter son plan de bataille. Cependant ses divers corps s’étaient déployés sur les hauteurs qui bordent à l’est la vallée de