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avant d’être sûr que Jackson était devant Bolivar. Bien lui en prit, car, durant la nuit, il reçut de Lee l’avis de la marche de Mac-Clellan et l’ordre de disputer aux fédéraux le passage des montagnes. Il envoya donc Cobb avec une grande partie de ses forces à Cramptons-Gap, où nous l’avons vu combattre Franklin dans la journée du 14, et il resta lui-même pour observer Harpers-Ferry avec le nombre de troupes strictement nécessaire pour occuper les hauteurs dont il s’était si facilement emparé la veille. Cependant, par une étrange coïncidence, au moment même où l’approche de Mac-Clellan empêchait Mac-Laws de saisir la proie qu’il tenait presque dans ses mains, les Maryland-Heights étaient spontanément abandonnés par leurs défenseurs. Durant la nuit du 13 au 14, tandis que des ordres supérieurs arrêtaient le mouvement de Mac-Laws, Ford de son côté ramenait à Harpers-Ferry ses soldats, étonnés et humiliés d’une aussi funeste retraite. La plus grande partie de la journée du 14 se passa néanmoins sans que Mac-Laws sortît de la position conquise la veille. Les Maryland-Heights restèrent ainsi inoccupés entre les deux armées, et quelques soldats fédéraux purent les gravir impunément pour ramener les quatre canons qui avaient été abandonnés au moment de la retraite. Ce ne fut qu’à deux heures de l’après-midi que Mac-Laws se décida enfin à s’établir sur la hauteur ; il y plaça quelques pièces légères, moins pour prendre part au combat engagé sur l’autre rive que pour pouvoir annoncer sa présence à Jackson.

Celui-ci en effet attendait depuis le 13, pour commencer le combat, que l’investissement de Harpers-Ferry fût complet, et que toute issue fût fermée à ses défenseurs. Ses officiers du corps des signaux avaient jusque-là agité en vain leurs petits drapeaux : aucune réponse n’était venue des Maryland-Heights. Dès que Mac-Laws se fut montré, Jackson donna l’ordre de tâter l’extrême gauche des ouvrages de Bolivar ; mais, avant qu’on pût tenter un assaut décisif, il fallait que Walker eût hissé ses canons sur les sommets escarpés des Loudon-Heights. Cette première attaque ne fut donc pas poussée à fond. Cependant, vers le coucher du soleil, Jackson, profitant de ce que la ligne de défense établie par l’ennemi sur la crête des Bolivar-Heights était fort étendue et par conséquent assez faible, enleva une grande partie de ces hauteurs. Durant la nuit, il y plaça lui-même la plupart de ses canons de campagne ; le reste, traversant le Shenandoah, s’établissait au pied des Loudon-Heights de manière à prendre à revers les fédéraux que l’infanterie allait aborder de front entre les deux rivières. Lorsque le soir vint étendre sur les défenseurs de Harpers-Ferry ses ombres protectrices, la situation était, on le voit, bien périlleuse ; pourtant il leur restait