Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 9.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un instant, il devait emmener cette garnison avec lui, pour venir par Rohrersville rallier le reste de l’armée. Pendant ce temps, Burnside, ouvrant la marche et se dirigeant au nord-ouest par la route de Middletown à Boonesboro, forcerait le col de Cramptons-Gap, suivi par le corps de Sumner et la division Sykes. Après avoir traversé la montagne, ces forces devaient attaquer Longstreet et D. H. Hill, que Mac-Clellan espérait surprendre ainsi loin de Jackson et des 30,000 hommes réunis autour de Harpers-Ferry. Le général fédéral n’avait pas cru pouvoir engager Franklin dans la route plus courte de Middletown à Harpers-Ferry par le bord du Potomac, car il savait qu’elle était bien défendue, et ne pouvait être forcée ; mais il suffisait que la garnison de Harpers-Ferry fît une honorable résistance pour donner à ses lieutenans le temps d’exécuter son plan et en assurer le succès. En effet, Mac-Laws, seul sur la rive gauche du fleuve et séparé par ses eaux de Jackson et de Walker, ne pouvait résister à Franklin, et celui-ci, après avoir débloqué Harpers-Ferry, se trouvait placé de manière à interdire à Jackson le passage du Potomac, et à le devancer sur le champ de bataille où toute l’armée fédérale réunie devait attaquer Lee, privé de plus d’un tiers de ses forces.

Un critique qui ne tiendrait pas compte de l’état dans lequel Mac-Clellan avait trouvé les troupes dont Pope lui avait laissé le commandement pourrait lui reprocher peut-être d’avoir perdu dans l’exécution de ce plan quelques heures, auxquelles l’incapacité des défenseurs de Harpers-Ferry devait donner une importance décisive. Au lieu de blâmer un si mince retard, l’histoire impartiale rendra justice aux résultats vraiment extraordinaires qu’il avait obtenus par son activité, la lucidité de ses ordres et le prestige de son nom, en conduisant à la poursuite d’un ennemi vainqueur les bandes en déroute qu’il avait ralliées dix jours auparavant en vue de la capitale. Il ne pouvait les faire marcher avec la régularité de vétérans exercés, et il n’était pas toujours possible à ses lieutenans, malgré leur zèle, de se conformer ponctuellement aux ordres qu’il leur donnait. Il s’ensuivit que le 13 au soir Sumner n’avait pas quitté Frederick, qu’un seul corps de l’aile droite, celui de Reno, avait atteint Middletown, tandis que la plus grande partie de l’aile gauche était encore sur les rives du Monocacy. L’exécution du grand mouvement ne commença réellement que le 14 au matin. La marche des têtes de colonne de l’armée ennemie n’avait pas échappé à Lee, et leur arrivée, le 13 au soir, à Middletown lui fit sentir le danger qui le menaçait. Comptant sur la lenteur des fédéraux et sur le secret dont il croyait avoir entouré ses opérations, il n’avait pas voulu distraire une partie de ses troupes pour défendre les