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en deux parties : la première, composée de six divisions, investissait Harpers-Ferry, tandis que la seconde, comprenant quatre autres divisions, marchait dans une direction opposée sur Boonesboro et Hagerstown ; il comptait qu’un prompt succès lui permettrait de ne pas prolonger cette dangereuse séparation. Harpers-Ferry devait être entouré, le 12 au soir, par des forces si considérables qu’il espérait que Jackson s’en emparerait le lendemain 13, et, se mettant en marche immédiatement après, pourrait rejoindre le reste de l’armée dès le 14 à Hagerstown ou à Boonesboro.

L’état dans lequel la bataille de Manassas avait laissé l’armée fédérale justifiait la manœuvre hardie du général sudiste. En effet, en reprenant le 3 septembre le commandement de cette armée, Mac-Clellan avait entrepris une tâche immense. Il fallait donner confiance à une troupe découragée, rétablir son organisation, remettre la discipline en vigueur, récompenser les uns, retirer aux autres leurs commandemens, et accomplir cette transformation au milieu d’une campagne active et en présence d’un adversaire tel que Lee. Le nom seul de Mac-Clellan suffit presqu’à rendre du cœur à ses anciens soldats. Il obtint dès le premier instant cette franche coopération que Pope réclamait en vain de ses subordonnés. Le reste se fit en marchant, en combattant. Effectivement dès le 3 l’armée du Potomac, pour suivre de loin les mouvemens de l’ennemi, commençait, aux environs de Washington, à passer sur la rive gauche du fleuve. Comme nous l’avons dit, la marche des confédérés vers le nord ne lui permettait plus de se borner à couvrir la capitale, et l’obligeait à entreprendre une campagne offensive, afin de protéger Baltimore et de dégager le Maryland. Toutefois le plan des envahisseurs n’était pas assez nettement dessiné pour que Mac-Clellan fût libre de s’éloigner de Washington à leur suite, car ils pouvaient encore, à la rigueur, repasser le fleuve et en descendre brusquement la rive droite pour faire un retour imprévu sur la capitale fédérale. Une telle manœuvre était peu vraisemblable ; mais M. Lincoln et le général Halleck croyaient fermement que l’invasion du Maryland n’était qu’une simple feinte de l’ennemi : ils recommandaient à Mac-Clellan de protéger le siège du gouvernement, et ils lui reprochaient déjà, comme une dangereuse imprudence, d’avoir fait avancer son armée de quelques kilomètres pour observer l’ennemi. Cependant cette armée, échelonnée sur la rive gauche du Potomac, ne suivait que de fort loin, et en faisant de petites étapes dans la direction du Monocacy, les confédérés, qui de leur côté semblaient menacer de moins en moins la capitale unioniste. Enfin le 7 septembre Mac-Clellan, reconnaissant la futilité des alarmes qui l’avaient retenu jusqu’alors, n’écouta plus ces timides