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Si toute l’atmosphère terrestre était comprimée de manière qu’elle eût partout la même densité qu’au niveau de la mer, elle ne formerait qu’une couche de 8 kilomètres d’épaisseur que perceraient les sommets de l’Himalaya ; mais la dilatation progressive de l’air des régions supérieures fait qu’à ce niveau l’atmosphère devient déjà impropre au séjour de l’homme. Les voyageurs qui entreprennent l’ascension des hautes montagnes éprouvent une lassitude et un malaise qui peuvent aller jusqu’aux syncopes ; la respiration est troublée, parfois le sang sort du nez, des lèvres, des gencives ; ce sont là les symptômes bien connus du mal de montagne, qui commencent généralement à se déclarer lorsqu’on dépasse 3,000 mètres. Les aéronautes ne ressentent ce malaise qu’à des hauteurs beaucoup plus considérables, sans doute parce qu’ils s’élèvent sans effort. En revanche, pour eux le danger est beaucoup plus sérieux à cause de la rapidité avec laquelle ils franchissent les niveaux successifs, quand le ballon subitement délesté bondit vers les régions supérieures, ou qu’en ouvrant la soupape l’aéronaute le fait retomber vers la terre. Ces transitions brusques deviennent la cause d’accidens plus ou moins graves lorsqu’on est déjà entré dans la zone inhospitalière où l’air est insuffisant pour la respiration.

La première ascension à grande hauteur fut entreprise en 1803 par Robertson et Lhoëst avec un aérostat à gaz. L’année suivante, le physicien Gay-Lussac s’éleva à 7,000 mètres, et vit le thermomètre baisser jusqu’à 10 degrés au-dessous de zéro, tandis qu’il marquait 28 degrés au départ. Ce n’est que quarante-six ans plus tard, en 1850, qu’une nouvelle ascension à grande hauteur fut tentée en vue d’observations scientifiques par MM. Barral et Bixio. Les intrépides aéronautes avaient formé le projet de sonder les solitudes glacées qui s’étendent au-dessus de 10,000 mètres. Après une première tentative qui échoua par suite d’un accident, ils réussirent du moins, dans un second voyage, à dépasser le niveau de 7,000 mètres. Ils virent le thermomètre descendre à — 39 degrés, et purent exécuter une foule d’observations sur la composition chimique, la température et l’humidité de l’air, sur la force des rayons solaires, le rôle calorifique des nuages, etc. Depuis cette époque, on ne peut guère citer comme ayant eu un objet vraiment utile que les ascensions entreprises, de 1862 à 1865, par M. Glaisher, de l’observatoire de Greenwich, avec l’aide du célèbre aéronaute Coxwell, enfin les voyages aériens accomplis dans ces dernières années par quelques aéronautes français ; celles de ces expéditions qui sont antérieures à l’année 1870 ont été racontées en détail dans l’intéressant recueil des Voyages aériens qui a paru à cette époque[1].

Les nombreux voyages de M. Glaisher ont beaucoup contribué à

  1. Voyages aériens de MM. Glaisher, C. Flammarion, W. de Formelle et Gaston Tissandier ; Paris 1870, Hachette.