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De tous côtés nous rencontrons la méfiance. On craint que l’Allemagne, devenue trop puissante, ne soit désormais un voisin gênant. » La France, quant à elle, ne veut sûrement importuner personne, elle se borne à écarter des soupçons aussi étranges qu’injustes, et pour le reste elle n’a vraiment d’autre rôle que de suivre avec curiosité, avec intérêt, M. de Bismarck dans la campagne semi-religieuse, semi-diplomatique, où il a cru devoir s’engager, où il s’avance avec la hardiesse habile qui ne lui manque jamais.

Ce qu’il y a de particulièrement allemand dans cette lutte suit son cours. Le parlement de Berlin vient de discuter la réforme des articles de la constitution relatifs aux églises, et M. de Bismarck, dans un de ces discours calculés et impétueux qui lui sont familiers, n’a point caché qu’il irait jusqu’au bout, qu’il emploierait tous les moyens pour réduire les résistances, qu’il armerait l’état de toutes pièces contre les agressions papales ou épiscopales, puis que, cela fait, il serait disposé à la paix, s’il survenait un pape pacifique au Vatican, s’il y avait un Antonelli homme d’esprit qui ne fût pas sous le joug des jésuites. Quant à la partie diplomatique de la campagne, il est bien clair que, s’il y a eu quelque ouverture faite auprès de l’Italie au sujet de la loi des garanties, elle n’a pu avoir un résultat bien décisif ; dans tous les cas, ces communications confidentielles n’ont évidemment exercé aucune influence sur les rapports des deux pays, qui restent ce qu’ils étaient avant l’entrevue de Venise. Après l’empereur d’Autriche, c’est le prince impérial d’Allemagne qui voyage en ce moment en Italie, qui est allé à Florence, à Naples, partout, excepté à Rome, et qui a reçu naturellement du roi, du prince Humbert, l’accueil qu’il devait recevoir. Maintenant faut-il chercher un sens politique dans ce voyage de l’héritier de la couronne d’Allemagne, comme on a voulu chercher une signification dans l’entrevue de Venise ? La politique joue toujours plus ou moins un rôle dans les voyages des princes ; nous inclinerions volontiers à croire cependant qu’il serait assez inutile de se mettre en frais d’imagination pour découvrir des combinaisons qui n’ont aucune raison d’être, parce qu’en définitive entre l’Allemagne et l’Italie pour le moment la cordialité des rapports n’implique pas la solidarité des intérêts et des politiques. L’Italie a son indépendance, qu’elle n’entend sûrement pas livrer ou subordonner aux convenances allemandes, et, si elle a elle-même ses affaires religieuses, ses querelles avec le pape, elle a aussi sa manière de les conduire et de les régler.

Où en est d’un autre côté la correspondance diplomatique engagée depuis trois mois par M. de Bismarck avec le gouvernement belge ? Il paraît bien que M. Disraeli prenait trop promptement son désir pour une réalité lorsqu’il disait, il y a quelques jours, dans le parlement anglais que l’incident était terminé par la réponse de la Belgique à une