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quatre de ces compagnies, les renseignemens font défaut, pour d’autres ils sont incomplets. D’après les données admises, le revenu brut ne dépassait guère 85 millions, et les dépenses s’élevaient à 44, laissant un produit net de 8,500 francs par kilomètre. Si l’on divise ces chemins en deux groupes, on peut dire que le sud de l’Espagne a été doté de 2,456 kilomètres pour une somme totale de 727 millions, et le nord et l’est de 1,926 kilomètres pour une dépense un peu moins forte. La dépense kilométrique est de 296,000 fr. au sud et de 352,000 au nord, sans compter les dettes flottantes, dont la plupart des compagnies ont été ou sont encore chargées par suite de l’imprévu dans les prix de construction.

Le prix de revient, rapproché du produit net, démontre trop clairement l’état d’infériorité du réseau espagnol par rapport à ceux des autres états européens ; sans parler du réseau français, dont le produit net, dans le tableau donné par le document officiel précité, s’élevait à 22,500 francs en chiffres ronds, du réseau anglais donnant 24,000 francs, du réseau autrichien 20,000 francs, des réseaux allemand et russe 18,000 francs, il était à peine égal aux chemins suisses, dont la partie exploitée par l’état produisait un revenu net de 6,500 francs contre plus de 11,000 dans la partie exploitée par les compagnies. L’infériorité du produit des chemins espagnols tient à beaucoup de causes qui toutes sont le fait de l’homme et point celui de la nature. Si le trafic reste minime, ce n’est pas que le sol soit infertile ; mais les routes de terre manquent, l’activité industrielle languit, la consommation se réduit au strict nécessaire. En vain le gouvernement et les chambres ont conçu des projets plus ou moins grandioses, l’esprit local est demeuré rebelle, les capitaux étrangers ont été accueillis avec froideur et défiance ; enfin les vicissitudes politiques ont plus d’une fois arrêté le développement même du plan en cours d’exécution. Il suffit de jeter les yeux sur la carte de l’Espagne pour voir les lacunes qui restent dans le réseau des chemins de fer ; même pour ceux qui existent, le morcellement par petites compagnies, le défaut d’unité dans la direction, s’opposent aux progrès nécessaires. Entre le Portugal et la France, l’Espagne n’a qu’une seule route longue et détournée. Sur toute l’étendue de la frontière portugaise, il n’existe qu’un seul accès, et de même sur celle de France. C’est par la mer que le commerce et l’industrie peuvent trouver les plus sûrs débouchés ; l’Espagne est admirablement placée à cet égard : le golfe de Gascogne et la mer cantabrique font face à l’Angleterre, elle a sur l’Atlantique au nord et au sud-est du Portugal de longues côtes, des ports militaires, la Corogne, le Ferrol, Cadix ; une fois le détroit de Gibraltar franchi, c’est l’Espagne, sur la Méditerranée dont elle tient les portes, qui