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qui composent les dettes du trésor vis-à-vis des tiers : celui-ci par ce fait ne touche donc presque rien à nouveau ; mais à ces causes de malaise financier déjà si graves s’en ajoute une qui est presque sans remède, nous voulons dire la diminution incessante du revenu public.

Depuis 1846, première année du système d’impôts qui a fonctionné jusqu’à la révolution de septembre 1868, les produits des taxes diverses avaient suivi une marche progressive, et c’est en 1865 que l’ensemble des recettes a atteint le maximum, 607 millions. En 1868, la progression s’arrête, et en 1871 le total n’est plus que de 470 millions. Cette diminution provient de plusieurs causes. En 1870, c’est la cession temporaire des mines d’Almaden à MM. de Rothschild, qui prive le trésor d’un revenu annuel ; puis vient la baisse sur le produit des monopoles de l’état, le sel, le tabac, la poudre. Au milieu des troubles civils, la contrebande s’exerce avec un redoublement d’activité inouï. Jusqu’en 1868, il n’était entré à Gibraltar, véritable entrepôt de la contrebande, que 600 boucauts de tabac par an, aujourd’hui il en entre 6,000 ; de 90 millions en 1868, le produit du tabac fléchit dès 1870 jusqu’à 54. Il faut bien en outre que chaque révolution paie son droit d’avènement aux contribuables, c’est-à-dire allège les impôts ; ici on supprime les octrois, là on se dispense de prélever les contributions indirectes ; les droits de consommation tombent de 47 millions à 11. Les municipalités se dispensent d’acquitter les frais de leur éclairage, la ville de Madrid suspend les intérêts de ses obligations de même que l’état cesse le service de sa dette. Après tout, qu’importe à l’Espagne ! la plupart des établissemens industriels, des usines à gaz, de même que les titres de rente, ne sont-ils pas dans des mains étrangères ?

A toutes ces calamités, une seule a manqué jusqu’ici, l’émission du papier-monnaie. Toutefois on a eu grand’peur l’an dernier. La constitution de la Banque d’Espagne en banque d’état, l’absorption décrétée, mais non encore réalisée, de toutes les banques provinciales en un seul établissement dont le gouvernement se proposait d’absorber le capital destiné à la garantie des billets émis, ont permis de supposer qu’à bout de ressources on était décidé à employer le moyen facile, mais mortel au crédit, de la fabrication et de l’écoulement de la monnaie de papier. Le tempérament bien connu des Espagnols, réfractaires à l’emploi de cet instrument perfectionné de circulation fiduciaire, la certitude qu’on n’en obtiendrait pas même une ressource temporaire, ont arrêté court ces projets. Sur ce point, les mœurs publiques ont créé un obstacle insurmontable ; malheureusement sur d’autres ces mêmes mœurs aggravent le désordre financier, suite inévitable des révolutions. Partout, — et notre pays