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concours dans sa lutte religieuse. En fin de compte, diront les diplomates profonds, c’est un gage de plus pour la politique de la paix représentée par l’alliance des trois empereurs du nord, et dans tous les cas la France ne doit point s’aviser de voir un encouragement ou une chance favorable dans l’intimité de l’Italie et de l’Autriche. Soit, les commentaires peuvent aller leur train, nous ne savons nullement ce qui s’est passé à Venise ; la France n’y était pas, et c’est une étrange méprise de se figurer que dans tout ce qui arrive nous sommes toujours à chercher des combinaisons de guerre, la chance d’un concours possible pour entrer demain en campagne. On peut être tranquille, la France ne demande rien, et elle n’a vraiment ni à se guérir des illusions qu’elle n’a pas ni à s’inquiéter. L’Autriche et l’Italie se sont rencontrées, elles ont réglé leurs affaires, leurs rapports d’amitié, rien de mieux ; la meilleure garantie pour la France, c’est que l’une et l’autre s’inspirent de leurs intérêts, du sentiment de leur indépendance. Cela nous suffit.

Que l’empereur François-Joseph et le roi Victor-Emmanuel se soient vus et consultés pour se mettre à la disposition de M. de Bismarck, pour accepter un rôle dans les plans du chancelier prussien, c’est ce qu’on fera difficilement croire au monde. Si M. Minghetti, M. Visconti-Venosta, ont eu occasion d’aborder ces questions délicates, ils ont dû bien sûrement rester dans les limites de la politique qu’ils n’ont cessé de suivre jusqu’ici, qu’ils ne sont probablement pas décidés à modifier, puisqu’elle est la libérale expression de l’indépendance de leur pays. Hier l’Italie recevait l’empereur d’Autriche avec des démonstrations sympathiques ; bientôt, à ce qu’il semble, elle doit être visitée par l’empereur Guillaume ou par le prince impérial d’Allemagne, et elle aura pour ce nouvel hôte une parfaite courtoisie, qui ne lui manque jamais quand elle veut ; mais cela ne change ni ses intérêts, ni ses traditions, ni ses sympathies naturelles. C’est par une certaine politique que l’Italie est arrivée à se constituer, qu’elle a réussi à vivre, qu’elle a pu traverser toutes les épreuves, et c’est l’avantage de la France de s’être trouvée à l’origine des premiers succès de cette politique, d’être aujourd’hui la première intéressée à voir l’Italie indépendante et libre.

Une des plus funestes erreurs des partis religieux et légitimistes de la France au lendemain de nos catastrophes a été d’altérer un moment cette situation, de laisser croire à des desseins qu’ils n’étaient pas même en état de réaliser, et dont la simple manifestation n’était pas moins une menace ou une marque d’hostilité. Heureusement il y a eu des deux côtés des Alpes, dans le gouvernement, dans la presse, des esprits assez bien inspirés pour réagir contre les passions et les aveuglemens de parti, pour travailler sans cesse à remettre la cordialité, l’intimité dans les rapports des deux pays. On y a réussi avec l’aide des événemens, qui ont. trompé les espérances des foudres de guerre du cléricalisme légitimiste. Les libéraux italiens, comme les libéraux