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notre histoire contemporaine : les coups d’état et les révolutions. » Tout y est réellement, et M. le vicomte de Meaux lui-même, bien que placé dans des conditions particulières, n’a eu, pour rassurer sa conscience, qu’à faire appel à l’interprétation de M. Wallon. M. le ministre du commerce, il est vrai, n’est point de ceux qui ont voté la constitution ; mais c’est la loi désormais, tout le monde doit se soumettre, à commencer bien entendu par les ministres, et M. le vicomte de Meaux, dans son discours de Saint-Étienne, a su habilement expliquer sa présence dans le cabinet par une adhésion réfléchie à la loi qu’il n’a point faite.

Ainsi les manifestations se succèdent, la politique ministérielle se dévoile nettement, dégagée de toute arrière-pensée ; elle a la correction constitutionnelle. Jusque-là, rien de mieux ; maintenant on nous permettra d’ajouter que cela ne suffit pas. Le ministère doit quelque chose de plus au pays ; il lui doit un gouvernement actif, résolu, procédant avec une libre et confiante fermeté. Il n’a qu’à vouloir, il aura l’autorité qu’il saura prendre. Et d’abord il devrait au moins en finir avec ces singuliers usages qui nous font arriver des documens comme les circulaires de M. Dufaure, de M. le général de Cissey, par des journaux étrangers. Ce sont des procédés qui ressemblent aux subterfuges d’une tactique peu sûre d’elle-même. Ils sont employés quelquefois, nous le savons, dans la diplomatie, et même il y a des circonstances où ils ont un terrible effet, nous l’avons appris à nos dépens ; dans les affaires intérieures, ils ne s’expliquent plus, ils sont presque blessans. S’il y a des documens d’état faits pour rester secrets, ils doivent l’être pour tout le monde ; s’ils sont destinés à être connus, c’est bien le moins qu’on les publie d’abord à Paris, au lieu de se donner l’air d’être en connivence avec les journaux étrangers ou de passer pour un gouvernement à qui on peut dérober ses papiers intimes. Ce n’est qu’un simple détail sans doute, ce détail, se rattache à tout un ensemble de vieilles habitudes, de petits procédés que les gouvernemens se transmettent même à travers les révolutions.

Qu’on y songe bien, la politique ne peut plus en être là aujourd’hui, elle a besoin de se renouveler, de prendre un caractère, des allures conformes aux circonstances. Il ne s’agit nullement de tout changer, de tout bouleverser, de toucher surtout d’une main imprudente et révolutionnaire à cette puissante machine administrative qui avec ses défauts reste une des forces de la France ; mais il ne faut pas non plus avoir peur du moindre mouvement parce qu’on va peut-être déranger ce qu’on appelle des situations acquises ou troubler des routines qui se déguisent sous l’apparence trompeuse d’une régularité factice ; il ne faut pas craindre de secouer les indolences, de réveiller les idées d’activité et de dévouaient, de donner un certain élan nouveau. Malheureusement nos hommes publics de toutes les opinions, de toutes les nuances, ont un peu trop l’habitude d’être pénétrés de leur importance dès qu’ils sont au pouvoir. Ils trouvent cela si naturel qu’ils s’y établissent, et, un