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Saint-Amand à Chalonnes, — 95 millions dans le bassin du Rhône pour les canaux projetés de Lyon à Arles et de Bouc à Marseille. M. Krantz destine encore une trentaine 3e millions au réseau navigable, d’une utilité moins apparente, dont il voudrait doter les landes de Gascogne, entre Bordeaux et Bayonne. Il s’agit donc en somme de 285 millions pour ces voies nouvelles, soit 436 millions pour l’ensemble.

Ce n’est pas tout: des travaux moins urgens, au nombre desquels figure la ligne de la Loire à la Garonne, réclameront bientôt un autre demi-milliard, sans compter les incertitudes habituelles des devis, sans faire la part non plus des entreprises en cours d’exécution, qui absorberont au moins les crédits ordinaires du budget pendant plusieurs années. Cependant, en comparaison des 8 ou 10 milliards que notre pays a consacrés à l’établissement des chemins de fer depuis une trentaine d’années, ces prévisions de dépenses n’ont rien d’effrayant. Il y a seulement cette différence, que les chemins de fer ont eu le concours de l’industrie privée; ils ont fait l’objet de concessions à des compagnies que le gouvernement aide de ses subventions ou soutient de son crédit. L’habitude en est si bien prise qu’il se trouve toujours des concessionnaires, même pour les lignes dont le succès financier est. le moins certain. Il existe en faveur des railways, de la part des capitalistes, un engouement que la prospérité des principales compagnies explique sans le justifier, tandis que les canaux n’inspirent que du dédain ou de la défiance. Il y a bien quelques canaux de concédés, le canal de Beaucaire, celui de la Sambre à l’Oise, d’autres encore d’un moindre développement; ce sont des entreprises restreintes, en général peu florissantes. Au surplus, si l’on veut demander surtout aux voies navigables de modérer les tarifs des chemins de fer par une sage concurrence, ne serait-ce pas imprudent d’en abandonner la propriété à des compagnies qui peuvent se coaliser avec leurs rivales plutôt que de leur faire la guerre ? Les chemins de fer concédés subsistent en France sous un régime mixte qui n’est ni la liberté du commerce ni le monopole exclusif. Les étrangers s’accordent à reconnaître que nous avons su tempérer par un contrôle efficace de l’état les abus que les concessions privilégiées ont suscités en d’autres pays. Il y a d’ailleurs entre les chemins de fer et les canaux cette différence capitale, que les uns ne sauraient être exploités que par un entrepreneur unique, tandis que les autres restent livrés aux hasards de l’exploitation individuelle. Le même mode de concession ne convient pas dans les deux cas. Il reste à trouver pour les canaux un régime financier qui permette d’en poursuivre l’exécution avec célérité sans compromettre les résultats que le public en doit attendre.