Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/949

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un préliminaire indistinct des élections futures. Quoi encore ? M. le président de la république, faussant compagnie à Versailles, passe son congé à Paris, et au lieu de s’instruire à la lecture des journaux, qui s’épuisent à l’éclairer sur le chapitre de la révision, il reçoit en cérémonie la Toison d’or que le roi d’Espagne lui a récemment envoyée. Encore un peu M. Thiers, en sa qualité de chevalier de la Toison d’or, était de la réunion ; il y a eu du moins à cette occasion entre M. le maréchal de Mac-Mahon et son illustre prédécesseur un échange de témoignages de courtoisie que le pays ne peut que sanctionner et encourager en désirant voir marcher sur le même chemin tous ceux qui l’ont servi et honoré, ceux qui sont toujours faits pour être ses guides. Le ministère enfin prend, lui aussi, ses vacances, quoiqu’il date à peine d’un mois. M. Dufaure arrive de la Charente-Inférieure, M. de Meaux était hier à Saint-Étienne, M. Léon Say va faire une excursion dans le midi, M. le duc Decazes part pour la Gironde, et chemin faisant, entre deux voyages ou entre deux conseils, le ministère coordonne, rajuste sa politique, qui finit par se dégager peu à peu de toutes les obscurités.

Est-ce l’influence des vacances ? est-ce l’effet d’un naturel un peu compliqué ? Le ministère, à vrai dire, prend son temps. Il ne se dévoile que par degrés et par des procédés de révélation quelquefois assez inattendus. Il réfléchit beaucoup visiblement, il tient à ne rien hasarder, et il semble plus préoccupé de combiner ses actes et ses paroles que de mener vivement les affaires. Il marche néanmoins, cela est certain, et depuis le jour où M. le vice-président du conseil a porté devant l’assemblée la déclaration prudente et calculée qui a inauguré l’existence du ministère, les manifestations se sont succédé, précisant ou développant les paroles de M. Buffet. La première de ces manifestations a été la circulaire adressée par M. Dufaure aux procureurs-généraux, une circulaire qui, à ce qu’il paraît, a eu son histoire intime. Quand les grandes discussions sont suspendues, on s’attache aux anecdotes, et c’est ainsi que, selon un bruit répandu par la malignité, la circulaire de M. le garde des sceaux aurait failli être une affaire grave !

Une affaire vraiment, à quel propos ? Est-ce que l’accord entre deux hommes publics chargés du pouvoir a pu jamais tenir à la question de savoir si l’on devait dire « le gouvernement républicain » au lieu de « la république, » — dans quels termes M. le garde des sceaux pouvait toucher à la loi sur le colportage ou à la loi sur la presse ? A qui fera-t-on croire qu’il ait pu y avoir l’ombre d’une crise ou d’un dissentiment à cette occasion, qu’il ait fallu employer le télégraphe pour modifier les expressions d’un document déjà parti de la chancellerie ? Ce sont les rieurs ou les ennemis du ministère qui ont dit cela, qui ont brodé sur des indiscrétions, profitant d’un certain délai entre l’expédition de la dépêche et la publication au Journal officiel.