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de la liberté commerciale ou de la protection, mais comme ont fait tant d’états dans le vieux monde, l’un des deux se bat pour l’empire, l’autre pour l’indépendance. » A la chambre des lords (5 février 1863) il dit plus tard : « Il y a une chose qui peut être le résultat de la lutte, et qui à mon sens serait une grande calamité : c’est la subjugation du sud par le nord. » Un autre jour (9 juin 1864), il dit aux lords : « Il est terrible de penser que des centaines de mille hommes sont tués pour empêcher les états du sud d’appliquer les principes que l’Amérique invoqua contre nous en 1776. »

Lord John Russell avait la mission particulière de veiller au maintien rigoureux de la neutralité anglaise. Le gouvernement français, animé à cette époque des sentimens les moins bienveillans pour les États-Unis, respecta le droit des gens et ne laissa sortir aucun corsaire confédéré de ses ports. Lord Russell usa de moins de rigueur, et des corsaires construits, équipés, armés dans les eaux anglaises, chassèrent le commerce américain de toutes les mers.

Le traité de Washington et l’arbitrage ont mis fin à la longue contestation soulevée par les déprédations de l’Alabama. En 1870, lord Russell publia deux volumes de dépêches et de discours, et dans son introduction il répétait ce qu’il n’avait jamais cessé de dire à M. Adams, que les États-Unis n’avaient aucun droit de se plaindre qu’on eût laissé l’Alabama sortir de Liverpool. Il se retranchait derrière le droit municipal, et opposait le Foreign Enlistment Act aux règles du droit des gens. « Pendant la discussion, lit-on dans cette introduction, des questions relatives à l’Alabama et à la Shenandoah, le grand objet du gouvernement anglais fut de garder pour ses sujets la sécurité du jugement par le jury, et pour la nation le commerce des constructions navales, commerce légitime et lucratif. » Ces deux objets, suivant lui, eussent été compromis, si on eût ouvert l’oreille aux plaintes de M. Adams. Comparez ce langage à ce qu’écrit aujourd’hui lord Russell. « Dans une seule circonstance, je veux dire la fuite de l’Alabama, nous commîmes une erreur. Je crus qu’il était de mon devoir d’attendre un rapport des officiers légaux de la couronne, mais j’aurais dû me contenter de l’opinion de sir Robert Collier, et donner des ordres pour arrêter l’Alabama à Liverpool. » Il dit ailleurs : « Après avoir reçu l’opinion de sir Robert Collier, il y avait une cause prima facie pour retenir l’Alabama, et j’aurais dû le faire pendant les quatre jours qui s’écoulèrent jusqu’au moment où je reçus l’opinion des officiers légaux de la couronne. » Il revient une troisième fois sur ce point. « Je donne mon entier assentiment à cette opinion du lord chief-justice d’Angleterre, qui dit que l’Alabama aurait dû être retenu pendant les quatre jours durant lesquels j’attendais l’avis des officiers légaux ; mais je crois que la faute ne fut point celle des commissaires de la douane, ce