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menaçantes, » qu’il faisait paraître sous leurs yeux, ne réussirent pas à les terrifier. Londres resta calme ; mais à Bristol il y eut un soulèvement très sanglant, accompagné des plus graves désordres. Des dragons chargèrent les mineurs et en tuèrent un grand nombre. Lord Grey négocia avec les tories par l’intermédiaire de lord Palmerston et de lord Wharncliffe ; on chercha à se mettre d’accord sur cette base : on augmenterait la représentation des intérêts manufacturiers et commerciaux ; on laisserait la prépondérance à l’intérêt territorial. Le 13 décembre 1831, lord Russell présenta de nouveau son projet, un peu amendé ; un grand nombre de whigs étaient disposés à l’amender encore davantage, mais comment viendrait-on à bout de la résistance des lords ? Faudrait-il faire une sorte de coup d’état en créant sur-le-champ une centaine de pairies ? Le roi répugnait à une mesure aussi extrême. A la seconde lecture, la loi électorale fut votée par les lords à la majorité de 7 voix. Lord Grey avait tout fait pour gagner les tories à sa cause ; il insinua qu’il n’aurait pas recours à la création de nouvelles pairies avant de recommander au roi une nouvelle dissolution. A la troisième lecture, lord Lyndhurst réussit pourtant à faire adopter une clause qui annulait en quelque sorte le vote précédent : les dix-sept pairs qui avaient suivi un moment lord Grey rentrèrent dans les rangs conservateurs, et tout fut remis en question. Dès le lendemain, lord Grey et Brougham se rendirent à Windsor et proposèrent au roi de faire cinquante pairs ; s’il ne pouvait s’y résoudre, ils offraient la démission du cabinet. Le roi réfléchit vingt-quatre heures et accepta la démission.

Les tories furent promptement ensevelis dans leur triomphe. Peel refusa de faire un ministère ; il était de ces politiques qui ne précipitent pas, qui arrêtent plutôt les événemens, mais qui ne s’obstinent pas dans les causes perdues. Le roi avait un ministre toujours prêt dans le duc de Wellington, qui acceptait le pouvoir comme un poste de bataille. Le duc essaya en vain de composer un cabinet ; il se heurta d’une part contre ceux de ses amis qui étaient secrètement enclins à toutes les concessions et ceux qui n’en voulaient faire aucune. Le roi, qui se croyait délivré des whigs, fut obligé de les reprendre. Lord Grey n’abusa pas de sa victoire ; il fut convenu que l’opposition des lords s’effacerait, qu’on ne ferait pas de nouvelles pairies, qu’on ménagerait autant que possible l’orgueil de la chambre haute. Les tories se consolèrent d’une défaite qui cette fois était définitive en admirant à tour de rôle le duc et Peel, l’un pour avoir accepté le pouvoir et l’autre pour l’avoir refusé.

La loi qui sortit de ces longs conflits ôta la franchise à cinquante-six bourgs qui avaient cent onze députés, et elle condamna trente bourgs qui avaient soixante députés à en perdre la moitié. Ces chiffres différaient fort peu du projet originel de lord Russell (il avait