Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

concession, y maintient des tarifs prohibitifs. En Angleterre, la fusion des chemins de fer et des canaux est un mal fréquent, que le parlement s’est décidé trop tard à combattre. En France, il n’y en a qu’un exemple ; c’est celui-là : il suffit pour prouver que la concurrence des canaux est utile, et que, loin de renoncer à en créer de nouveaux ou à maintenir en bon état ceux qui existent, il est nécessaire au contraire d’en établir partout où la nature du sol s’y prête, partout où les courans commerciaux en réclament.

Si, dans le bassin de la Garonne, les rivières doivent s’employer en chutes d’eau et en irrigations plutôt qu’en voies navigables, à plus forte raison semble-t-il en être de même dans le petit bassin de l’Adour, dont les pentes sont encore plus rapides et les montagnes plus élevées. En effet, l’Adour, la Midouze, les gaves, ne desservent qu’un trafic restreint et cessent d’être navigables à peu de distance de leur embouchure. Pourtant de Bayonne à Bordeaux s’étendent les vastes plaines des Landes, abondantes en richesses naturelles, dépourvues néanmoins de toute industrie, parce que les moyens de transport leur manquent absolument. Faute d’écoulement, les eaux pluviales restent stagnantes, rendent le sol stérile, empoisonnent l’air. Faute de matériaux durs, il est impossible de construire des chemins empierrés. La partie des Landes que traverse le chemin de fer s’est enrichie dès que les habitans ont pu exporter les produits de leurs forêts ; au contraire. la zone comprise entre le chemin de fer et la mer est toujours pauvre et insalubre, c’est ce que l’on appelle le Maransin. Au commencement de ce siècle, cette contrée était menacée encore par un autre fléau, par l’invasion des dunes de sable que le vent d’ouest poussait sans cesse vers l’intérieur des terres. Brémontier fit voir qu’on réussit à les fixer en y plantant des forêts de pins. Maintenant il faudrait assainir le pays et y créer des voies de communication. Un canal de navigation servirait à ce double usage. Aux États-Unis, les canaux ou les chemins de fer ont souvent précédé les émigrans dans les territoires riches que l’on voulait mettre en valeur : c’est précisément ce qu’il s’agirait de faire pour les Landes ; mais la dépense présumée de cette entreprise n’est pas inférieure à 32 millions. Est-ce bien le moment de se livrer à de pareils travaux ?

Nous arrivons au bassin du Rhône. Pour bien comprendre quel intérêt y présentent les voies navigables, il faut se rappeler que ce fleuve est le seul grand cours d’eau que reçoive la Méditerranée. Les fleuves de l’Italie ont une faible longueur, des allures torrentielles, et ne desservent même pas utilement la zone étroite comprise entre les Apennins et la mer. L’Espagne n’a que l’Èbre, qui s’arrête aux Pyrénées. Les rivières de la Grèce, dont les noms évoquent tant