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glace et déposée à sa surface sous forme liquide. La température de l’air a varié entre 4° et 11° au-dessus de zéro, et l’humidité relative ou fraction de saturation entre 53 et 88 pour 100. Les résultats généraux de ces pesées sont que, dans les conditions au milieu desquelles on a opéré, il se dépose en moyenne chaque heure 150 grammes ou centimètres cubes d’eau par mètre carré à la surface du glacier, savoir 150 mètres cubes d’eau par kilomètre carré. Or, la surface totale du glacier du Rhône étant de 23 kilomètres carrés, il en résulte qu’elle condensait en une heure 3 450 mètres cubes d’eau qui s’écoulaient avec celle due à la fusion de la glace ou bien s’ajoutaient à la masse du glacier en se congelant pendant la nuit. Transportés à l’ensemble des glaciers du bassin du Rhône dans le Valais, dont la surface totale est de 1 000 kilomètres carrés environ, ces résultats annonceraient une condensation de 150 000 mètres cubes d’eau par heure, et en une année une quantité égale à 1/7 du débit du Rhône à sa sortie du lac Léman ; or ce débit a toujours été trouvé supérieur à la quantité de pluie et de neige tombées pendant le cours de l’année sur le bassin helvétique du Rhône depuis sa source jusqu’à Genève. Ajoutons que la chaleur latente dégagée par la vapeur d’eau qui se condense à la surface du glacier contribue encore à favoriser la fonte de la glace et à augmenter le volume des sources du Rhône. On voit par cet exemple quel rôle considérable des effets physiques, minimes en apparence, jouent dans l’économie de la nature, puisque la seule condensation de la vapeur d’eau atmosphérique par la glace des glaciers augmente d’un septième le débit d’un fleuve tel que le Rhône.

La distribution géographique des glaciers actuels, leur présence ou leur absence dans les différentes régions du globe, sont des élémens très importans pour l’appréciation des conditions topographiques et climatologiques de leur développement. Ces études comparatives peuvent seules nous dévoiler les causes de l’ancienne existence des glaciers dans les contrées où ils n’ont laissé que les traces d’un séjour temporaire plus ou moins prolongé. M. Siegfried, de Zurich, a fait la statistique des glaciers actuels de la Suisse, du Tyrol et de la Savoie. C’est un manuel[1] interfolié de pages blanches où les membres du club alpin suisse pourront consigner leurs observations. Chaque notice particulière renferme tous les élémens connus. Faire le même travail pour les glaciers du Dauphiné et des Pyrénées est une tâche qui incombe au club alpin français, nouvellement constitué à Paris à l’imitation de ceux de l’Angleterre, de la Suisse, de l’Autriche et de l’Italie. Les études

  1. Die Gletscher der Schweiz nach Gebieten und Gruppen geordnet, Zurich 1874.