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pleine assemblée, au grand scandale de la majorité, cette encyclique papale dont la publication est interdite, et pour laquelle l’archevêque prince de Breslau vient à son tour d’être pris à partie. D’un autre côté, un député national libéral du premier rang, M. de Sybel, lisait quelques passages d’un livre qui est certainement une des expressions les plus singulières de l’intensité de cette lutte, et qui serait distribué dans un intérêt de propagande par les soins d’une association catholique dans les provinces rhénanes. C’est un roman plein d’allusions transparentes sur les persécutions religieuses au temps de l’empereur Dioclétien. L’empereur est un vertueux bonhomme ; malheureusement il a un ministre qui s’appelle Marcus ou Marc, homme de haute taille, chauve, très cruel, qui pousse à toutes les persécutions, et qui, poursuivi par la vengeance du ciel, va disparaître dans un marais ! Au milieu de cette lecture, entrait dans le parlement Marcus en personne, M. de Bismarck, qui a été reçu par des acclamations, et qui a bientôt pris la parole pour répondre avec sa hauteur sardonique à ses accusateurs. Il a dû certainement rassurer les consciences timorées en leur déclarant qu’il connaissait beaucoup mieux que tous ses contradicteurs, protestans ou catholiques, les desseins de Dieu sur l’Allemagne, — puisqu’il est lui-même l’exécuteur de ces desseins. M. de Bismarck peut être de haute taille, chauve, il n’est pas cruel ; il est seulement emporté par la passion du combat et de la domination, et on raconte que récemment il exprimait le regret que le pape n’eût plus d’états temporels pour répondre d’une déclaration de guerre comme l’encyclique. Qui sait ? M. de Bismarck eût cédé peut-être à la tentation ; il serait allé saisir le pape au Vatican, il l’eût conduit dans quelque Savone allemande, puis à Postdam, qui eût été le Fontainebleau, prussien, et nous qui sommes étrangers aux affaires de ce monde, nous aurions pu suivre de Paris le spectacle qu’un jour on a pu contempler de Berlin.

M. de Bismarck a certes le droit de défendre comme il l’entend l’indépendance civile de l’Allemagne contre des excès de doctrine ecclésiastique. Son malheur est de trop croire à son tour à l’infaillibilité de la force, de se créer des difficultés par des excès de prépotence, et, puisqu’il ne peut saisir le pape, c’est à l’Italie qu’il s’adresse aujourd’hui. Sous quelle forme le cabinet de Berlin s’est-il adressé au gouvernement de Borne ? Y a-t-il eu une vraie note diplomatique ou des conversations, ou des pourparlers tout intimes ? Toujours est-il que M. de Bismarck a visiblement une opinion qui tendrait à faire de l’Italie la surveillante obligée des manifestations pontificales, qui infirmerait ou dénaturerait absolument cette loi des garanties par laquelle le pape est déclaré inviolable et irresponsable dans sa souveraineté spirituelle. Que réclame donc là M. de Bismarck ? Il veut tout simplement que l’Italie accepte ses interprétations d’une loi italienne et consente à être son instrument. Hier il demandait au cabinet de Rome des actes de