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bonne chère, trouverait dans la culture de la truffe des produits que l’univers entier s’empresserait de consommer. La voie dans ce sens est déjà ouverte ; mais, grâce au nombre toujours plus grand des amateurs, il n’est pas à craindre que l’avilissement des prix pour cet aliment de haut goût résulte d’une production même décuplée, ; la truffe sera toujours un objet de luxe, et le luxe se paiera toujours, tant que le bien-être général créera le besoin et la possibilité de jouissances sous la forme raffinée dont Brillat-Savarin s’est fait le spirituel panégyriste.

Les détails techniques sur la création, l’entretien, l’exploitation des truffières artificielles seraient déplacés ici ; on les trouvera dans les ouvrages de MM. Chatin, Valserres, dans les publications des sociétés agricoles d’Avignon, de Carpentras, d’Apt et généralement des régions où cette culture est en honneur. Semis en lignes, plantations, recépages, labours de printemps, irrigations éventuelles dans les mois de grande sécheresse, tout cela, très intéressant pour le praticien, le serait moins pour le public des simples curieux ; d’ailleurs d’autres questions plus générales nous ramènent à l’étude scientifique des truffières. Telle est en première ligne la théorie dite des chênes truffiers, ou plutôt, pour élargir le sujet, la discussion des conditions encore mal définies où la truffe se développe.


IV

Les anciens n’ont pas connu les rapports de coexistence entre la truffe et certaines essences forestières. Cela tient sans doute à ce que leur truffe était non pas la truffe noire ni l’une des espèces voisines à surface ciselée en tubercules, mais bien la fausse truffe, blanchâtre et lisse, à laquelle les Arabes ont donné le nom de terfez. Celle-ci vient presque toujours dans les sables, parmi des espèces ligneuses ou même herbacées de la famille des cistes, dont quelqu’une, selon la judicieuse remarque de Clusius, pourrait bien être l’hydnophyllon (plante à truffe) dont parlent Pamphile et Athénée. Le nom de turmera, que les Castillans donnent encore au cistus salicifolius, rappelle le mot turmas, qui leur sert à désigner le terfez. Une autre espèce de ciste ou d’hélianthème doit son nom de tuberaria à la réputation qu’elle avait dans l’antiquité d’indiquer la place des truffes ; enfin le terfez, si commun en Algérie, s’y rencontre d’habitude sous les touffes d’une cistinée sous-frutescente, le cistus halimifolius. Ce terfez est, par excellence, la truffe des sables où la silice domine, et, comme les cistes en question recherchent ce même terrain, il se peut que la présence simultanée des deux types ciste et truffe ne soit qu’une pure cohabitation par