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gemmipare de l’évolution de l’être, que la phase sexuée répond au développement des organes mâles et femelles sur le mycélium lui-même. Végétatif d’abord, ce mycélium devient plus tard véritablement fructifère, lorsque des carpogones, fécondés et représentant les vraies graines, s’entourent d’un tissu compacte dont l’évolution graduelle par multiplication de cellules aboutit au champignon extérieur avec la forme qu’on lui connaît vulgairement. Cependant, si tel est le sens véritable des états divers d’un agaric, peut-on dire par analogie qu’il en soit de même de la truffe, dont les spores, au lieu d’être nues et très semblables, sinon identiques, à ce qu’on appelle ailleurs des conidies, naissent dans des cellules plus grandes appelées thèques ou sporanges ? L’observation directe pourra seule résoudre ce doute ; mais dès à présent toutes les probabilités sont pour qu’il se passe sur le mycélium des tubéracées, sinon la répétition exacte des faits de fécondation des agarics, au moins quelque chose qui se rattache à l’action mutuelle de deux cellules dont l’une joue le rôle de mâle et l’autre celui de femelle[1]. Quoi qu’il en soit de cette hypothèse, la voie est ouverte pour cette curieuse étude : c’est peut-être sur le mycélium fugace de la truffe que les vraies graines de cette cryptogame seront découvertes : tant que ce terme dans l’évolution de la plante restera à l’état d’énigme, le problème du semis direct des truffes manquera d’une de ses données essentielles. On sème une amande, il en sort un amandier, on sème des milliards de spores de truffes, peut-être pas une seule ne produira le mycélium sur lequel devront naître et se féconder les graines dont une seule donnera la truffe. En un mot, la germination de l’amandier ne comprend qu’un terme, évolution de l’embryon en plante ; la germination de la truffe en contient deux, formation du mycélium par la spore, formation du corps même du tubercule odorant, probablement par une graine née et nourrie sur le mycélium. Or, ces deux termes étant encore inconnus, est-il surprenant que le semis direct de truffes n’ait donné jusqu’à ce jour que des résultats négatifs ou tout au moins très contestés ? Est-ce à dire néanmoins que le problème soit insoluble et qu’il faille en abandonner la poursuite ? La science ne connaît ni les vaines impatiences ni les découragemens : elle pense que l’obscurité d’aujourd’hui s’illuminera peut-être de la lumière de demain ; elle croit à la solidarité des découvertes et sait attendre pour chacune le jour et l’heure propices. Seulement dans l’intervalle elle dédaigne bien moins qu’on ne croit les résultats de

  1. M. Henri Bonnet m’écrit que, dans son idée, la fructification vraie de la truffe est probablement analogue au phénomène de copulation entre cellules qu’ont décrite chez le peziza confluens M. de Bary, M. Woronino et M. Tulasne. C’est l’hypothèse qui me sourit aussi le plus, sauf vérification.