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qu’on en sait, grâce à la sagacité de M. Tulasne, est une découverte capitale dans ce sujet hérissé de difficultés.

Lorsqu’on récolte en hiver, ou tard dans l’automne, ou de bonne heure au printemps, les truffes noires, on les trouve dépouillées à leur surface de toute trace de filamens. On pourrait croire aisément qu’elles n’ont jamais eu de mycélium nourricier, et n’ont jamais ténu au sol par des filamens analogues à ceux dont la masse feutrée constitue pour les agarics de couche et autres ce qu’on appelle le blanc de champignon. L’analogie néanmoins ne cessait de protester contre ces apparences décevantes ; on voyait un genre de tubéracées, les genea, adhérer au sol par une touffe de fibrilles jouant le rôle de racines, mais représentant un mycélium persistant ; l’analogue de ces filamens se retrouvait, avec de moindres dimensions, chez le terfez ou truffe blanche d’Afrique. Chez le delastrea rosea, autre fausse truffe du Poitou, de la Touraine et des Landes, une couche mince de duvet mycélien s’étend sur le corps entier du tubercule ; même circonstance chez une vraie truffe, à laquelle la présence de ce duvet vaut le nom de tuber panniferum (truffe drapée) ; c’étaient là tout autant d’indices invitant à rechercher chez la truffe noire au moins les indices d’un appareil du même genre dont l’existence ne serait que passagère, et qui disparaît normalement de l’être adulte après en avoir assuré la première évolution. Ce que faisait prévoir dans ce sens la théorie, l’observation l’a pleinement confirmé. Le 6 septembre 1850, M. L.-R. Tulasne découvrait dans une truffière du Poitou de jeunes truffes grosses au plus comme une noix (à chair blanche par défaut de maturité, bien que ce fût l’espèce noire par excellence) et dont la masse solide était enveloppée d’un feutre blanc, serré, de 1 à 3 millimètres d’épaisseur. Cette enveloppe feutrée, formant cocon autour de la truffe, se reliait d’une part par des filamens intérieurs à l’écorce de la masse fructifère, d’autre part à tout un réseau lâche et délié de fils ou de flocons blanchâtres, courant çà et là dans le sol et présentant les caractères indubitables d’un mycélium. Le 24 septembre, l’auteur de cette découverte la renouvelait sur un autre point du Poitou. Ainsi rentrait sous la loi commune des productions fongiques un organisme qui jusque-là semblait s’y être dérobé ; la truffe, fille de la terre pour les anciens, devenait, comme le vulgaire champignon de couche, le fruit ou plutôt l’appareil sporifère d’un être dont la partie végétative disparaissait Me bonne heure, la masse fructifère s’affranchissant de cette nourrice comme l’enfant se sèvre du sein maternel.

Maintenant est-ce à ce rôle subordonné, bien que nécessaire, de nourrice que se borne l’importance du mycélium ? On a pu le croire