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danses conduites en chœur ; mais, qu’il s’agisse des unes ou des autres, l’idée qu’elles puissent, par une piqûre quelconque, déterminer sur une racine la formation d’une galle, est un pur roman, une illusion de l’esprit de système en contradiction manifeste avec la réalité.

Où et comment M. Martin Ravel a-t-il vu que la mouche truffigène atteint les racines chevelues et « les pique à leur extrémité pour y déposer ses œufs ? » Comment a-t-il observé que « la piqûre détermine le jet d’une goutte laiteuse ? » Cette assertion vaut celle de M. Valserres disant gravement : « Le principal organe des mouches truffigènes est une tarière qui part du milieu du ventre et se prolonge dans un fourreau jusqu’à l’extrémité du corps ; cette tarière sort du fourreau très longue et très aiguë lorsque la mouche pique les radicules. » Ce que l’auteur attribue sans raison aucune à ses mouches à deux ailes n’est vrai que pour les cynips des galles, qui sont des mouches à quatre ailes, des hyménoptères et non des diptères. Que nous sommes loin des Réaumur, des Léon Dufour, des Laboulbène ! Membres de l’Académie des Sciences ou dignes de l’être, ces savans ont eu la naïveté de décrire ce qu’ils voyaient : les libres chercheurs ne connaissent pas ces timidités ; ils décrivent hardiment ce qui n’est pas, la goutte de lait d’une racine de chêne piquée, la tarière et l’aiguillon d’une mouche inerme tant du côté de la bouche que du côté de l’abdomen.

Ainsi donc truffe-galle, mouche truffigène, rêves d’esprits auxquels manque l’habitude de l’observation, de la discipline scientifique ! Moins excusables que les anciens, pour qui certaines superstitions se respiraient avec l’atmosphère du temps, les sophistes de nos jours contestent les résultats les mieux acquis de sciences qu’ils se dispensent d’étudier ; mais c’est peut-être trop s’occuper de ces attaques impuissantes. Passons à des sujets plus sérieux, aux essais de propagation des truffes, soit parle semis de leurs spores (méthode directe), soit par la voie indirecte des semis ou des plantations de chênes.


II

L’existence de germes ou graines dans les truffes était, on l’a vu, présumée et non prouvée par Théophraste. C’est également par une vue de l’esprit et non par l’observation que des philosophes de l’antiquité ou du moyen âge concevaient cette génération par graines. Ciccarelli appuie d’abord ses idées à cet égard sur de hautes spéculations philosophiques, notamment sur un dire attribué à Pythagore : « toute plante peut, selon l’intention de la