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isoler la France, à la désarmer pour la guerre comme pour les négociations, Canrobert ne resterait plus qu’à effacer des annales parlementaires la déchéance de l’empire. Ces jugemens, ces insinuations, ces recherches acrimonieuses, sont autant d’armes livrées au bonapartisme, qui s’en est emparé avec une habileté perfide pour tenter de se réhabiliter, — si bien qu’il faut aujourd’hui une enquête nouvelle sur ces progrès de l’impérialisme qu’on a favorisés par la guerre contre le 4 septembre autant que par une politique indécise. Voilà où l’on en vient !

Enquêtes sur enquêtes, procès politiques de toute nature, que sortira-t-il de tout cela ? Si, dans cette révision du passé entreprise sous les auspices de l’assemblée, il n’y avait que des contradictions, des injustices, des acrimonies passionnées, ce ne serait qu’un aliment de plus offert aux divisions, à la guerre des partis continuant l’œuvre meurtrière de la guerre étrangère et de la guerre civile ; mais, à travers tout, dans ces recherches confuses, laborieuses, et dans tous les travaux qui les complètent ou les rectifient, il y a désormais assez de lumières, de révélations et de faits précis pour que la France éclairée, lisant dans sa propre histoire, puisse s’interroger elle-même avec une sincérité virile et se demander comment sa grandeur a été compromise, comment elle peut maintenant relever sa fortune nationale. Elle ne dit pas tout, cette enquête, elle est incomplète et partiale, puisqu’elle se concentre de préférence sur le moment où l’édifice est en feu sans atteindre suffisamment ceux qui ont préparé l’incendie et qui sont aujourd’hui les premiers à crier ; elle en dit assez pour laisser voir dans leur origine, dans leurs causes et dans leurs caractères des désastres qui ont été trop accablans, trop irrésistibles, pour n’être pas le prix de bien des fautes, de bien des déviations ; elle en dit assez pour montrer comment une nation flattée, abusée, avec des apparences d’ordre et de prospérité matérielle, peut être lentement atteinte dans ses ressorts, dans son être moral, dans sa diplomatie, dans sa force organisée, — jusqu’au jour où une crise, qui n’a d’imprévu que l’heure où elle éclate, vient révéler la profondeur du mal. — C’est le 4 septembre qui est coupable, dit-on ce jour-là, et on oublie que s’il y a des 4 septembre, c’est qu’il y a des régimes comme l’empire pour les rendre possibles, et même quelquefois inévitables.

Les récriminations ne servent à rien ; les polémiques passent, les rapports eux-mêmes disparaissent, comme toutes les œuvres de passion et de circonstance. Ce qui reste, c’est le sentiment du mal qui a été fait, et c’est aussi le sentiment des réparations nécessaires par la réorganisation militaire, politique du pays. Déjà sans doute ces enquêtes elles-mêmes, malgré ce qu’il y a de hasardé et