Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/618

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoir, quelle que doive être l’issue d’une entreprise de guerre. C’est l’explication de la conduite du général Trochu, notamment de la réponse par laquelle il déclinait cette offre du comte de Moltke, que M. Daru appelle une ouverture de négociation et qui n’était manifestement qu’une manière de prévenir Paris qu’il pouvait désormais se rendre sans déshonneur puisqu’il n’y avait plus pour lui aucun espoir. Le général Trochu disait, et il avait le droit de dire à ceux qui le pressaient, qui le mettaient dans l’alternative de gagner des victoires ou de traiter : « La foule veut des victoires, je ne peux pas lui en donner ; mais je puis lui donner l’exemple d’une ferme résolution de combattre jusqu’à la dernière heure. Nous avons encore des vivres ; je ne veux pas, à la tête de 300,000 hommes armés, — c’étaient des hommes, non des soldats, — défiler devant l’empereur d’Allemagne et lui rendre mon épée, tant qu’il me restera une bouchée de pain ! » Et qu’on ne dise pas que c’était agir en soldat plus qu’en chef de gouvernement, et subordonner l’intérêt politique du pays à une question de « fierté militaire. » L’intérêt essentiel, supérieur du siège, était dans la durée, qui seule pouvait donner à la France le temps de refaire ses forces, de réorganiser la défense générale, qui sait ? peut-être même de rendre à Paris l’armée de secours qui lui manquait.

Ainsi obligation militaire, utilité de la prolongation du siège, tout se réunissait, et si l’entreprise a échoué par d’autres côtés, ce n’est pas la faute du gouverneur de Paris. C’est pourtant singulier qu’on reproche au général Trochu de n’avoir pas subordonné l’honneur militaire à des considérations politiques, de n’avoir pas écouté les ouvertures de M. de Moltke, de ne s’être pas prêté à des négociations avec l’ennemi, de n’avoir point fait en un mot tout ce que le conseil de guerre de Trianon a condamné dans la personne du commandant d’une armée française à Metz ! Le général Trochu, cela est bien clair, paie pour le 4 septembre, qu’il couvre de son nom, qui n’a eu peut-être que par lui une certaine durée, un caractère sérieux. Qu’on ait des sévérités pour les fautes, pour les misères du 4 septembre, et surtout qu’on ne relève pas cette journée, rien de mieux ; mais on n’a pas vu que par cette guerre systématique contre une date on allait à des conséquences qui ne sont pas sans doute du goût de l’assemblée, — qu’on faisait les affaires du parti le plus intéressé à voir retomber sur d’autres les terribles responsabilités qu’un vote solennel lui a infligées. Si tout ce qu’on dit est vrai, si le 4 septembre, au lieu d’être un acte irrésistible de désespoir national, n’était qu’un grand crime en présence de l’invasion « funeste » de sédition accompli par des conspirateurs avec la complicité équivoque d’un général infidèle ; s’il n’avait servi qu’à désorganiser et à