sentiment que, dans la situation où se trouvait Paris, abandonné à lui-même, menacé au dehors, menacé au dedans, il fallait avant tout éviter les collisions intérieures, les combats de guerre civile, parce qu’un conflit dans l’intérieur de Paris était une victoire pour les Allemands, peut-être le prélude inévitable d’une reddition.
De là bien des choses irrégulières qui étaient certainement des crimes de la part de ceux qui menaçaient de déshonorer Paris devant l’ennemi et contre lesquelles les chefs de la défense se désarmaient eux-mêmes. C’est le secret de la conduite du général Trochu dans cette journée du 31 octobre, où assailli, outragé, il se défendait encore d’appeler à son secours des divisions de l’armée, comptant jusqu’au bout sur une intervention de la « force morale » dans cette extrémité. Le jour où les coups de fusil partaient sur la place de l’Hôtel-de-Ville, où l’on fermait les clubs et où l’on supprimait les journaux, c’est qu’on était à la veille de la capitulation. Après cela, M. le comte Daru peut démontrer que les révolutions en pleine guerre sont un malheur, que les gouvernemens « nés d’un coup de main sont exposés à périr par un coup de main, » que « les bouleversemens ne s’opèrent jamais sans grand détriment pour les services publics. » Il peut développer une série de vues sur le danger des révolutions en général, sur les fautes du gouvernement né du 4 septembre en particulier ; il peut railler l’emploi des « forces morales » et au besoin même, à l’occasion du plébiscite provoqué le 3 novembre 1870 par le gouvernement de Paris, glisser une défense rétrospective de la forme plébiscitaire comme moyen de consulter la nation. M. le comte Daru peut trouver que tout ce qui s’est passé à Paris est bien irrégulier, bien étrange, que nous aurions été bien plus heureux, s’il y avait eu une armée mieux préparée, une garde nationale disciplinée, une police pour réprimer les malfaiteurs, des conseils de guerre pour punir les démagogues, une autorité faisant respecter les lois et des chefs assez privilégiés pour nous conduire à la victoire ou pour garder la confiance de la population jusque dans la défaite. M. le comte Daru peut poursuivre son travail pour l’édification publique ; mais, qu’on le remarque bien, une enquête ainsi comprise n’est plus une enquête, c’est l’occasion d’un rapport, d’une série d’appréciations visiblement inspirées d’un certain esprit politique ; c’est après tout l’œuvre personnelle d’un rapporteur engageant indirectement une commission, plus indirectement encore l’assemblée dans une des entreprises les plus bizarres, dans une sorte de tentative d’histoire d’état qui met en cause les événemens, les hommes, surtout M. le général Trochu, qui représente ici le 4 septembre et le siège de Paris.