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n’abandonnait pas les droits parlementaires, que la commission d’enquête ne désavouerait pas, M. Vitet, était de cette opinion ; il a toujours mis la nécessité du combat au-dessus des élections. C’était un Parisien, direz-vous, et il est convenu que tous les Parisiens étaient fous en ce temps-là ! Convenez du moins que la question n’était pas aussi simple et aussi claire qu’on l’assure aujourd’hui.

Au fond, avec un peu de bonne volonté, on avouerait que ce qu’on reproche surtout au gouvernement de la défense nationale, c’est d’avoir prolongé la lutte, que ce qu’on voit dans l’ajournement des élections, c’est l’occasion perdue d’une paix qu’une assemblée aurait pu négocier plus tôt. M. le comte Daru reste persuadé « qu’en face d’une assemblée élue M. de Bismarck n’aurait pas pu se réfugier derrière l’excuse si commode qu’il a toujours alléguée pour se soustraire, autant qu’il l’a pu, aux ouvertures qui lui ont été faites… » Soit, quoique M. le comte Daru s’exagère probablement beaucoup les scrupules et les embarras de M. de Bismarck. Le plus clair est qu’on n’en sait rien, qu’on est réduit à combattre une politique par une politique, à opposer la paix hypothétique avec une assemblée à la lutte telle qu’elle s’est produite. Cette paix, dont on plaide bien inutilement la cause, on ne sait pas même encore aujourd’hui à quelle heure et dans quelles conditions elle était possible. Pour les uns, l’heure favorable était dès le lendemain de Sedan ; pour les autres, elle eût été après Champigny ; de toute façon et à toute heure, il aurait fallu dès lors céder au moins l’Alsace et payer 3 milliards. Six mois de guerre ont aggravé les désastres, rien n’est plus certain ; mais enfin ce n’est pas la plus grande faute de la défense nationale d’avoir voulu tenir jusqu’au bout, d’avoir cru qu’une nation comme la France ne livrait pas ses provinces sans avoir tout épuisé, que l’honneur du pays valait d’être défendu au prix de quelques ruines matérielles de plus, et on se trompe étrangement si l’on croit que c’était là dans Paris une exaltation purement révolutionnaire. Le gouvernement se fût-il trompé en ajournant les élections, il était certainement l’interprète de la population parisienne, qui n’avait pas le ridicule que lui prête M. le comte Daru, de réclamer, comme condition de paix, le remboursement des frais de la guerre par la Prusse, mais qui acceptait positivement la lutte jusqu’au bout.

Autre point : c’est la politique intérieure du gouvernement de la défense nationale que l’enquête prend à partie, et elle a certainement beau jeu à décrire tous ces désordres, toutes ces incohérences d’un pays envahi, d’une ville assiégée. Le tableau est complet, minutieux, trop minutieux pour représenter d’un peu haut la vérité des choses. Tout y est, et cependant c’est encore le plus souvent un