l’enquête aux actes de la défense nationale à Paris. La pensée accusatrice ne se cache même pas dans cette proposition, dont les auteurs ne déguisent nullement l’intention et sur laquelle l’assemblée se jette avec une sorte d’impétuosité. Le gouvernement de Tours et de Bordeaux, le gouvernement de Paris, ces deux représentans du 4 septembre, sont appelés à rendre leurs comptes ; ils sont directement, exclusivement mis en cause, comme s’ils avaient été les seuls pouvoirs dans la formidable crise d’où l’on sortait à peine. Quelques mois auparavant, il est vrai, dans un jour de pathétique et violente émotion, le 1er mars 1871, au moment de la ratification de la paix avec l’Allemagne, l’assemblée, siégeant encore à Bordeaux, avait émis un vote solennel déclarant « l’empire responsable de la ruine, de l’invasion et du démembrement de la France. » Ainsi le 1er mars 1871 l’empire est chargé de la responsabilité sommaire des malheurs de la France ; le 13 juin, l’enquête, dont la pensée se dégage et se précise, ne met en cause que le gouvernement de Tours, le gouvernement de Paris.
Que s’est-il passé dans l’intervalle ? Pourquoi ce changement, qui semble limiter maintenant les responsabilités en appelant, en concentrant les sévérités parlementaires sur la période de la défense nationale ? Je ne veux pas dire qu’il y ait eu une préméditation, une combinaison préconçue de parti, soit dans l’esprit de l’assemblée, soit dans le travail de la commission chargée d’entreprendre ce règlement de comptes ; mais enfin c’est ainsi. L’œuvre de la commission a pris une certaine couleur, l’apparence d’un acte de justice servant des ressentimens ou des desseins politiques. Chose singulière, une partie de l’enquête a pu ressembler à une revanche de l’empire contre le vote de déchéance, à une tentative de réhabilitation calculée par toutes ces dépositions et ces apologies qui ont été comme la rentrée en scène des hommes du régime impérial. Il n’y a plus eu qu’un accusé ou un ennemi, le 4 septembre, qui a visiblement fait tout le mal. L’enquête s’est trouvée, dirigée de façon à devenir le centre d’un effort coordonné pour remplacer dans la mémoire du pays toutes les dates funèbres de l’empire par le 4 septembre, pour décrier le 4 septembre dans son origine, dans ses actes, dans sa politique, jusque dans le chef du gouvernement de la défense nationale, le général Trochu. Elle a recueilli tous les bruits, toutes les accusations, et le rapport de M. le comte Daru reste évidemment entre tous le résumé habilement implacable de cette pensée plus ou moins avouée d’hostilité, le dernier mot de ce procès sans conclusion. C’est bien en effet un procès, les élémens sont là confus, tourbillonnans, le réquisitoire existe ; mais où sont les juges et qui prononcera ?