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rien à l’esprit, si elles ont pour l’œil quelque attrait. Ce besoin qu’éprouve l’homme d’entrer par momens en communion, pour ainsi dire, terrestre avec le passé, et de remonter en quelque sorte à ses origines, est sans doute une des raisons qui expliquent l’affluence toujours plus grande des Américains en Europe, et l’avidité avec laquelle ils en visitent les plus intéressantes et anciennes contrées.

Revenons à nos champs de l’ouest. A mesure qu’on refoulait le Peau-Rouge et qu’on le cantonnait loin de ses lieux de chasse, loin du pays de ses aïeux, dans des réserves ou enclaves étroites où il allait s’éteignant peu à peu, on bâtissait des villes. Le sauvage avait abandonné ou plutôt vendu ses terres au blanc par un traité en bonne forme signé à double expédition par les sachems et les envoyés du gouvernement fédéral ; désormais le blanc pouvait s’établir sans crainte sur ce terrain ainsi conquis et annexé. Souvent c’était sur l’emplacement même des huttes indiennes que s’élevaient les cités nouvelles. Au commencement du siècle, des tribus guerrières appartenant à la nation des Iroquois étaient campées à la place où sont aujourd’hui Buffalo et Cleveland, et les sachems avec leurs braves tenaient leur parlement au lieu où l’on voit maintenant une usine, une maison de banque ou de commerce. C’est la marche fatale des choses dans l’histoire de l’humanité ; mais presque nulle part le phénomène n’apparaît aussi récent et avec un caractère aussi marqué que dans la colonisation des États-Unis.

En allant de New-York à Chicago par le chemin de l’Erié ou celui de l’Hudson, on relève à chaque pas les étapes successives du colon. Le long du chemin de fer de l’Hudson, qui côtoie la grande rivière jusqu’à Albany, on se heurte nombre de fois à des noms bataves, les Hollandais ayant été les premiers colons de ces parages et les fondateurs de New-York il y a deux siècles et demi. C’était sur la rive gauche de l’Hudson que s’étendaient ces vastes domaines ou manors, don gracieux du gouvernement de la métropole aux planteurs venus de si loin. Quand il a fallu fixer avec les descendans de ces patroons les limites du champ concédé, sorte de fief féodal, ç’a été pour l’Angleterre, substituée aux droits de la Hollande, et plus tard pour la république américaine, une source de difficultés sans nombre en présence de prétentions inextricables, dont quelques-unes ne sont peut-être pas encore éteintes. — D’autres souvenirs, ceux de la guerre de l’indépendance, sont aussi restés vivans tout le long de la rive gauche de l’Hudson, et les noms de Washington, de lord Cornwallis et du major André, le traître, y sont encore répétés aujourd’hui aux lieux que ces hommes ont rendus fameux pour toujours.

Albany, capitale de l’état de New-York et qui se mire dans l’Hudson, marque au nord la limite de la colonisation hollandaise. De