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autre ville fièrement campée sur la rive droite du « père des eaux, » à quelques lieues au-dessous du point où le Missouri vient joindre ses ondes boueuses à celles du grand fleuve plus limpide. Cette autre cité, plus ancienne que la précédente, puisqu’elle a été fondée au siècle dernier par les pionniers français de la Louisiane, porte toujours son premier-nom : c’est Saint-Louis. Les débuts en ont été chancelans, incertains. Saint-Louis ne fut d’abord que le point de départ de ces hardis trappeurs ou traitans, de ces coureurs des bois qui s’enfonçaient dans les solitudes du désert entre le Mississipi et les Montagnes-Rocheuses pour faire la troque avec les Indiens, chasser le castor et le bison, et qui venaient, après chaque campagne, y entreposer leurs fourrures. Dans ces dernières années, grâce au défrichement des plaines alluviales de l’ouest poursuivi avec une activité fébrile, grâce au prodigieux rendement des cultures agricoles, de l’élève du bétail, grâce enfin aux incessans progrès des chemins de fer, de la navigation à vapeur, de l’industrie métallurgique, Saint-Louis a pris tout à coup un essor inespéré, et non-seulement cette ville a détrôné Cincinnati, la métropole de l’état d’Ohio, beaucoup plus rapprochée qu’elle de New-York ; mais voici qu’elle dispute à Chicago la prééminence de l’ouest. Le chiffre de la population est le même et s’accroît avec la même progression merveilleuse, si bien que l’orgueil de Saint-Louis ne connaît plus de limites, et que la reine du Mississipi entend dépasser un jour non-seulement celle des grands lacs, mais encore la métropole de l’Union, New-York, le premier port des deux Amériques.


I. — L’OUEST AMERICAIN.

Les romans de Cooper ont dépeint en traits ineffaçables ce qu’on nommait l’ouest aux États-Unis à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci. Ce fut d’abord la partie la plus lointaine des états de New-York et de Pensylvanie. A mesure que le pionnier avançait dans le désert, disputant sa place et sa vie à l’Indien, la limite de l’ouest s’éloignait, et les solitudes allaient se défrichant et se peuplant. L’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, passèrent ainsi l’un après l’autre du rang de territoires à celui d’états. On calculait que cette marche de la civilisation se faisait à la vitesse de 15 milles ou environ 25 kilomètres par an. En 1800, on colonisait l’Ohio, sur les confins de l’état de Pensylvanie ; en 1830, on était arrivé à l’extrémité de la chaîne des lacs ; en 1860, le planteur fixait définitivement sa tente au-delà du Missouri, et le gouvernement fédéral, dans cet espace de soixante ans, ajoutait de nombreux états à la liste de tous ceux qui avaient été primitivement admis dans le sein de l’Union.