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JOURNÉES DE VOYAGE
EN SYRIE

III.
JERUSALEM
JUIFS, MUSULMANS ET CHRÉTIENS[1]

14 décembre.

À peine installés à l’auberge, dont le confortable relatif nous paraît du sybaritisme après la rude existence que nous quittons, nous ne perdons pas une minute pour nous assimiler le plus possible de cette ville touffue, où, sous un aspect de mort, la vie intérieure ruisselle, où chaque pierre parle, où mille études sollicitent le voyageur, où les problèmes irritans se dressent à tous les pas devant lui ; chaque coup de pioche donné dans les couches historiques successives que le temps y a accumulées fait jaillir un enseignement nouveau, et des années d’investigation n’épuiseraient pas ce sol fécond. Les choses présentes y sont une source perpétuelle d’étonnemens et de leçons : d’abord l’homme de nos jours et de notre monde ne comprend rien à l’activité mystique de cette ruche religieuse ; bientôt il est plongé malgré lui dans cette atmosphère spéciale que se rappelleront tous ceux qui l’ont traversée.

Nos matinées se passent à courir avec le bon frère Liévin, le guide-né du pèlerin. Cet humble frère convers du couvent latin

  1. Voyez la Revue du 15 janvier et du 1er février.