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serrée et pressante, et le plus souvent on dut éviter de conclure, les parties ne consentant à transiger que pour la forme. Rien de plus séduisant pour l’imagination et le cœur que tous les problèmes qui touchent à la philanthropie, mais il n’en est pas de plus compliqués ni de plus périlleux. Ils sont pleins de difficultés secrètes, d’épines cachées et les gouvernemens doivent y regarder de près avant d’entreprendre de les résoudre. « C’est surtout en politique, disait ces jours-ci un homme d’état, qu’il est dangereux de prendre des guêpes pour des abeilles. » Ce mot pourrait servir de devise à l’histoire de la conférence de Bruxelles.

Pendant toute la durée des délibérations, les diverses puissances représentées à Bruxelles demeurèrent fidèles à l’attitude qu’elles avaient prise au début ; aucune d’elles ne fut tentée de modifier les instructions qu’elle avait données à ses délégués. L’Angleterre avait accédé à contre-cœur à l’invitation de la chancellerie russe. Elle ne s’y était décidée que sur la promesse qui lui fut faite qu’on ne présenterait aucune proposition et qu’on n’émettrait aucun vœu touchant les matières relatives aux opérations maritimes et à la guerre navale. Au surplus son délégué, qui n’était point investi de pouvoirs plénipotentiaires, avait l’ordre de s’abstenir dans toute discussion qui porterait sur des principes généraux de droit international non encore universellement reconnus et acceptés. Le représentant de la Grande-Bretagne, le major-général sir Alfred Horsford, ne figurait dans la conférence qu’à titre de témoin, dont le premier devoir était d’écouter attentivement tout ce qui se dirait, le second de protester par son silence contre tout ce qui pourrait lui déplaire. Si l’Angleterre savait nettement ce qu’elle ne voulait pas, l’Allemagne savait non moins nettement ce qu’elle voulait. Elle avait un système, très logiquement conçu, lié dans toutes ses parties, dont elle désirait le triomphe. En toute rencontre, elle insistait pour qu’on avisât aux moyens de rendre la guerre aussi régulière que possible, et il lui était facile de démontrer que la guerre ne sera faite dans toutes les règles que le jour où les peuples consentiront à laisser la discipline des armées-décider de leur sort et jugeront qu’il est de leur devoir de demeurer les simples spectateurs de la lutte. Cette théorie et ses corollaires furent défendus avec un rare talent, avec une singulière vigueur d’argumentation par le délégué prussien, M. le général de Voigts-Rhetz. Pourvu qu’il gagnât le principal, il était disposé à concéder beaucoup sur les incidens, et il eût vu sans déplaisir que le nouveau code international prohibât certains procédés violens dont on ne s’est pas toujours abstenu, mais dont on désire que les autres s’abstiennent.

La théorie habilement et chaleureusement soutenue par le général de Voiyts-Rhetz, loin de se recommander aux sympathies des petits états,