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nouvelles et plus pressantes de ses amis. Était-ce M. Buffet lui-même qui avait pris l’initiative de cette seconde négociation ? Ce n’est guère possible, puisque dans l’intervalle, sous le coup de ces incidens décourageans, l’ancien président de l’assemblée avait renoncé à sa mission, remettant à M. le président de la république les pouvoirs qu’il avait reçus de lui. Dans quelle mesure M. le maréchal de Mac-Mahon, de son côté, s’était-il prêté à la combinaison qui faisait de M. le duc d’Audiffret-Pasquier un ministre de l’intérieur ? Une chose est certaine, M. d’Audiffret s’est cru pendant tout un soir ministre de l’intérieur, et le lendemain matin il ne l’était plus. Il recevait communication d’une liste nouvelle où il figurait désormais comme ministre de l’instruction publique à la place de M. Wallon, et où M. Buffet était cette fois ministre de l’intérieur en même temps que vice-président du conseil.

Que s’était-il donc passé ? M. d’Audiffret était-il apparu pendant la nuit comme un ministre un peu trop accentué pour la direction des affaires intérieures ? Y avait-il ci quelque malentendu ? Dans tous les cas, M. le duc d’Audiffret n’avait sûrement fait aucune des conditions impérieuses qu’on s’est plu à lui attribuer ; il s’était donné, comme il l’a dit, sans restrictions et sans conditions. Devant l’incident nouveau qui changeait tout, sa résolution était facile à prévoir, et si au premier instant il l’a témoignée avec une certaine vivacité, c’est qu’aussi ce qui lui arrivait n’avait rien d’ordinaire. Il n’avait accepté le ministère de l’intérieur que pour faire honneur aux sollicitations dont il était l’objet, il n’avait pas demandé le ministère de l’instruction publique : il n’avait plus qu’à s’effacer, et par sa retraite, qui n’avait peut-être pas été prévue, tout échouait encore une fois, tout manquait.

C’est le moment dramatique de la crise. De toutes les combinaisons qui avaient été essayées, il ne restait plus rien, ou plutôt il restait un peu partout de l’amertume, de l’irritation, une certaine anxiété redoublée et aggravée peut-être par les airs de triomphe des partis extrêmes, des légitimistes comme des bonapartistes, assistant en témoins ironiques à ce spectacle de l’impuissance parlementaire au lendemain du vote des lois constitutionnelles. Qu’allait-il arriver ? puisque le seul cabinet possible ne pouvait lui-même réussir à se constituer, M. le président de la république ne se laisserait-il pas aller à cette idée qu’on lui prêtait de chercher à composer un ministère en dehors de l’assemblée ? Déjà, l’imagination aidant, les noms couraient partout, accompagnés de commentaires de fantaisie. Il semble bien que M. le maréchal de Mac-Mahon a eu un moment cette préoccupation, et il paraît même avoir appelé auprès de lui diverses personnes avec l’intention d’organiser un cabinet où il n’y aurait eu d’autres membres de l’assemblée que le ministre de la guerre et le ministre de la marine. Ce n’est pas la première fois que cette idée est apparue ; elle n’est peut-être pas aussi simple et