Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 8.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jusqu’au bout contre les lois constitutionnelles. M. Dufaure et M. Léon Say ont pu hésiter un instant, élever même quelques difficultés, ils ont eu raison de ne pas insister sur une question qui après tout ne pouvait avoir qu’une signification très relative, très restreinte, qui disparaissait dans ce travail de composition d’un cabinet dont le premier mot devait être le respect et l’application des lois constitutionnelles.

La question n’était point là en effet ; elle n’était pas non plus dans le choix de la plupart des ministres, les uns demeurant en fonctions, comme M. le duc Decazes, M. le général de Cissey, M. Caillaux, les autres désignés d’avance, comme M. Wallon pour l’instruction publique. La vraie question, celle qui était le grand, le sérieux objet de contestation, qui pouvait décider du caractère de la politique nouvelle, c’était le choix du ministre de l’intérieur. Au premier moment, dit-on, M. Buffet, en acceptant la vice-présidence dans le cabinet qu’il était chargé de former, avait témoigné la résolution de ne point entrer au ministère de l’intérieur. Le centre gauche, de son côté, eût certainement modéré ses prétentions sur d’autres points, si un de ses membres, M. Léon Say, eût été placé à la tête de l’administration intérieure du pays ; il le proposait, mais il n’en faisait pas une condition absolue, et il se montrait disposé à souscrire à toute autre candidature offrant de suffisantes garanties. Il y avait un homme dont l’acceptation eût tranché toutes les difficultés : c’était M. Bocher, président du centre droit, sur qui on paraissait compter. M. Bocher avait l’heureuse chance de convenir à tout le monde, à M. le président de la république, au chef du futur cabinet, au centre gauche et à la gauche elle-même. Malheureusement M. Bocher opposait à toutes les instances un refus invincible. Il invoquait sa santé, il avait peut-être d’autres raisons encore dont il ne devait le secret à personne. C’était évidemment une déception et un embarras. La situation ne laissait pas de devenir critique, d’autant plus que la résolution de M. Bocher, en laissant la question ouverte, réveillait toutes les compétitions, tous les antagonismes. Le centre droit se trouvait dans cette condition assez étrange de refuser le ministère de l’intérieur au centre gauche, et de n’avoir personne à présenter. Vainement les imaginations se mettaient à l’œuvre, multipliaient les combinaisons et découvraient partout des ministres de l’intérieur : la solution n’apparaissait pas.

Il fallait cependant en finir. À défaut de M. Bocher, on s’adressait à M. le duc d’Audiffret-Pasquier, dont le nom n’avait pas été prononcé encore, et qui présentait dans tous les cas la garantie d’un ministre peu complaisant pour les menées bonapartistes ; mais c’est ici que l’histoire se complique et se remplit d’obscurité, de confusion. M. le duc d’Audiffret, comme M. Bocher, avait refusé d’abord les offres qu’on lui faisait, il ne les acceptait que postérieurement sur des sollicitations