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les rumeurs, les combinaisons de fantaisie, les insinuations intéressés de ceux qui se croyaient oubliés et qui n’auraient pas demandé mieux que d’avoir un rôle ; il y a aussi les interprétations passionnées, les soupçons, les exagérations. En réalité, tout tourne autour de deux ou trois faits essentiels qui résument le caractère et les vicissitudes de cette crise, dont le plus grave défaut est d’avoir été trop bruyante, trop saccadée, trop prolongée, et d’avoir eu même quelquefois des secrets pour ceux qui s’y trouvaient mêlés.

Une des premières pensées de M. Buffet ou plutôt peut-être de M. le président de la république semble avoir été d’adoucir la blessure de la défaite pour la minorité royaliste, de donner à la droite une certaine satisfaction ou de chercher à la retenir en lui offrant une place dans le ministère. Évidemment, si on était en plein régime parlementaire, si on en suivait strictement et sévèrement les règles, cette préoccupation n’aurait eu rien de fondé ; elle relèverait du sentiment plus que de la politique. C’est tout au moins une apparente anomalie de traiter la minorité comme si elle appartenait à la majorité, comme si elle avait contribué à fonder par son vote un gouvernement qu’il s’agit aujourd’hui d’affermir et de diriger. Il y a même quelque chose de plus, c’était soulever une question délicate de dignité pour un parti considérable. On n’a pas vu qu’on plaçait la droite dans cette alternative toujours pénible de paraître désavouer ses opinions de la veille, si elle se ralliait le lendemain au régime nouveau, ou d’avoir un rôle assez équivoque, assez suspect, si elle restait hautement fidèle à ses convictions. Quant à la garantie que peut offrir la présence d’un membre de la droite dans le cabinet, le gouvernement n’en est pas, nous le supposons, à avoir besoin d’une caution de ses sentimens conservateurs, et la droite n’en est pas non plus à avoir besoin d’un portefeuille pour soutenir la politique conservatrice représentée par le gouvernement.

Oui effectivement, c’est assez peu dans les règles parlementaires, et il peut eu résulter une situation fausse pour tout le monde ; mais le gouvernement, en tacticien prudent, a voulu sans doute étendre autant que possible ses communications et sa sphère d’action ; il a voulu surtout ménager d’anciens amis de la droite et offrir à ceux qui ne sont pas des irréconciliables une occasion de montrer qu’ils savent mettre les intérêts du pays au-dessus des préférences de parti. Soit,’c’est un acte de large conciliation. Ce qui se fait aujourd’hui en définitive, après le vote des lois constitutionnelles, n’est que la reproduction de ce que M. Thiers avait fait avec impartialité en appelant M. de Larcy au ministère. Dans ces conditions, il n’y a rien que de politique, et c’était vraiment dès lors une question de peu d’importance de savoir s’il valait mieux choisir le membre de la droite appelé dans le cabinet parmi ceux qui se sont abstenus au scrutin définitif ou parmi ceux qui ont voté