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avec plus de vigueur et des vues plus rationnelles et plus pratiques dans le pays même, de manière à éviter que la haute instruction demeure indéfiniment le privilège des jeunes gens qui trouvent les moyens de faire leurs études et de prendre leurs grades au dehors, cela ne nous empêchera pas de reconnaître l’intensité croissante du mouvement intellectuel sous toutes ses faces en Roumanie. Ainsi on y comptait au commencement du règne actuel 27 imprimeries et lithographies, autant de librairies spéciales, et une vingtaine de journaux roumains, outre quelques feuilles allemandes et françaises. Le nombre des livres imprimés en langue roumaine n’était encore que de 6 en 1800 et de 29 en 1830; il s’éleva en 1847 à 109 et en 1864 à 196. Il n’est pas douteux que la progression n’ait été depuis bien plus rapide encore. Toute une littérature nouvelle et une école lyrique qui n’est pas sans mérite viennent de naître; il suffira de citer les noms d’Héliade, de Bolintiniano, et celui d’un poète vivant des plus distingués, M. Basile Alecsandri. Il faut enfin mentionner les travaux de linguistes tels que MM. de Cihac et Hasdeu, les services rendus à l’histoire du pays par M. Cogolnitcheano, qui a recueilli et traduit une partie de ses vieilles chroniques, et par M. Maïoresco, à la connaissance des origines roumaines et de l’archéologie en général par un Transylvain, le professeur Laurian, M. César Bolliac et M. Odobesco. Naturellement ce qui prédomine encore, ce sont les traductions d’auteurs étrangers, au choix desquels ne préside pas toujours l’inspiration la plus heureuse, ni le meilleur discernement, surtout en ce qui concerne les romans et les pièces de théâtre. Le théâtre national est arrivé à se faire, dans la capitale et quelques autres villes, une place à côté de l’opéra italien, qui est en grande faveur. Les opérettes et le vaudeville français sont joués avec un succès marqué. La musique est de tous les arts celui qu’en Roumanie toutes les classes de la population goûtent et protègent le plus, depuis les plaintives mélodies des lautares tsiganes jusqu’aux bruyantes harmonies de l’instrumentation plus riche et plus variée des orchestres viennois, qu’on se plaît à faire jouer alternativement. Même la symphonie grave et la musique de chambre ont commencé à s’introduire, pour un public d’élite, dans les concerts de l’Athénée à Bucharest. On y trouve de très bons exécutans.

Il faut enfin dire un mot de la nouvelle organisation militaire. Le prince Charles avait trouvé l’armée dans un délabrement complet et rongée par l’indiscipline; il prit pour tâche de la relever. Le système militaire du pays fut réorganisé par les lois de 1868 et de 1872. Il se compose d’une armée permanente, de l’armée territoriale et de milices. Les gardes civiques des villes ont été dissoutes par le ministère du 11 mars 1871. Le recrutement se fait, avec l’appel de tous les jeunes gens âgés de vingt et un ans, par le tirage