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population seulement à un peu plus du tiers d’un département français. Chaque district est administré par un préfet, assisté de sous-préfets, et Bucharest a en outre sa préfecture de police, comme Paris. Les villes ont chacune leur maire (primar), assisté d’un conseil municipal. En général, l’administration des communes est entre les mains de magistrats librement élus et confirmés par le gouvernement. Les dépenses du ministère de l’intérieur figurent sur le budget annuel pour un peu plus de 8 millions de francs.

La législation civile et criminelle est aussi basée sur les codes français, à quelques exceptions près, concernant des points importais, sur lesquels on s’en est tenu à l’ancienne coutume. Celle-ci a notamment prévalu pour le divorce, dont il se fait un abus aussi préjudiciable aux bonnes mœurs qu’à l’esprit de famille et à l’éducation des enfans. L’église permet en Roumanie à toutes les personnes qui ont légalement divorcé de se remarier deux fois encore, et la loi civile n’y met aucun obstacle. L’usage constant de se marier sous un régime qui rend la dot de la femme inviolable et oblige le mari à la restituer en cas de séparation contribue à multiplier .les divorces. En 1870, d’après M. Emm. Kretzulesco, ancien agent politique de Roumanie à Paris, 5,590 personnes divorcées, dont 3,134 femmes, convolèrent en secondes ou en troisièmes noces.

Antérieurement à 1862, la Valachie et la Moldavie étaient régies séparément par les codes respectifs des princes Caradja et Callimaki, fondés sur les législations encore plus anciennes de Matthieu Bassarab et de Basile Lupo, qui régnèrent tous les deux de 1634 à 1653. On a pu reconnaître depuis qu’il est plus facile de changer les lois que de réformer l’administration de la justice. Si la pratique judiciaire et l’état de la jurisprudence laissent encore à désirer en Roumanie, ce n’est pas faute de juges et d’avocats; le personnel des cours et tribunaux n’y compte pas moins de 1,500 ou 1,600 magistrats et autres officiers de l’ordre judiciaire (non compris 450 avocats), et l’on y dépense annuellement près de 4 millions de francs pour ce département; cela tient parfois à l’insuffisance de lumières, parfois même à l’indignité, à la corruptibilité d’une partie de ce personnel, ainsi qu’à toute sorte d’abus invétérés, dont l’extirpation graduelle forme une tâche de la plus haute importance pour l’honneur ainsi que pour le développement du pays. En effet, rien ne démoralise ou ne décourage comme la mauvaise chance des procès interminables et toujours renaissans, et cependant l’incertitude du droit, résultant d’une interprétation trop arbitraire des lois, entretient en Roumanie l’humeur processive, et en fait une manie très contagieuse dans la classe des propriétaires. Aussi les avocats ne manquent-ils pas en général d’en profiter largement, et le barreau y est-il devenu non pas seulement une des professions les plus lucratives,